« A nous de jouer ! », un film sur la pédagogie de projet
Antoine Fromental est un réalisateur et scénariste de films né en 1977. Il a réalisé plusieurs courts métrages tel que Melvil & Océane en 2007, puis un moyen métrage en 2009, Chevaliers errants au sud de l’Anamour. En 2011, il devient l’assistant du réalisateur Abdellatif Kechiche pour son film La vie d’Adèle et son scénariste pour un projet en cours d’écriture. « À nous de jouer ! » est son premier long métrage documentaire et l’occasion de poser une question essentielle : comment changer l’école pour que chacun y trouve sa place ?
À Clichy, en banlieue parisienne, le principal du collège Jean Macé a décidé d’encourager les méthodes alternatives pour lutter contre l’échec scolaire. Au centre de ce projet, deux classes : la classe rugby et la classe théâtre. Avec un double défi — participer aux championnats de France, pour les uns, monter sur la grande scène du théâtre de Clichy, pour les autres.
« Il existe déjà beaucoup de films sur l’école et la plupart montrent des séquences filmées pendant les cours. Mais je trouvais au final original de faire un film sur le collège d’aujourd’hui en mettant en avant les expériences artistiques et sportives… » dit le réalisateur, et il ajoute : « On a commencé à aller chez les enfants et à les écouter. Ils nous parlaient de leur vision de la vie, de leurs relations sociales et c’était passionnant de les voir traverser l’adolescence et évoluer au niveau politique, social ou amoureux … Il y avait dans ce collège des aspirants délinquants, il y avait de la violence, mais je n’ai jamais eu aucune inquiétude durant le tournage, j’ai même passé beaucoup de journées sur place sans mon équipe, simplement pour discuter ou me balader dans les couloirs vides. C’était l’école idéale à mes yeux. J’ai beaucoup souffert à l’école et je me suis dit que j’aurais bien aimé étudier dans un tel collège, où le principal et les profs se souciaient du bien-être de leurs élèves … Les élèves se sont habitués à la présence de la caméra et quand on a commencé à filmer lors de la rentrée en 3ème, j’ai compris que le film allait se concentrer sur cette dernière année et que ce serait la plus intense… »
En plus des élèves et des enseignants qui jouent avec une grande justesse et participent avec passion au projet, on remarque dans le film l’importance du principal du collège. Car si cette classe à horaires aménagés existe, c’est bien qu’il avait donné son accord. Et sous ses airs un peu austères de principal, Christian Comes a une vision unique de la pédagogie, de l’école et des enfants d’aujourd’hui. Cela fait vingt-cinq ans qu’il travaille en banlieue et voit des enfants en souffrance scolaire. Mais il se présente comme quelqu’un de pragmatique.
Pour lui, lorsqu’on propose à un élève en difficulté un projet qui convient à sa personnalité (que ce soit du théâtre, de la musique ou du sport), il peut s’épanouir et obtenir en plus de meilleures notes. Il est attaché à une pédagogie de projets, qui propose en quelque sorte des menus permettant à chaque élève de trouver son chemin selon son profil… Quand vous êtes professeur ou principal, vous pouvez changer positivement le destin de dizaines d’élèves en faisant preuve d’inventivité pédagogique. C’est une opportunité extraordinaire. Il est faux de dire qu’on ne peut rien faire. On doit au contraire se battre pour cette école publique qui est menacée dans son fondement même, c’est-à-dire celui de l’égalité dans notre société. Cette école publique est véritablement le terreau de notre société. Ce point de vue s’accompagne dans le film d’une mélancolie active, de quelque chose qui reste en mouvement même après le film.
À nous de jouer ! montre en tout cas très bien à quel point l’ambiance d’un établissement est primordiale, dit Christian Comes, Il faut que les enseignants et tout le personnel scolaire se sentent autorisés à prendre des initiatives et il faut que le principal les encourage. Il faut s’ouvrir, tout simplement.
Avec un mélange de fragilité et d’enthousiasme, le film À nous de jouer ! dresse un portrait riche et complexe de la société d’aujourd’hui, tout en posant une question essentielle : comment changer l’école pour que chacun y trouve sa place ?
Bernard Dubois
(Conseil local Louis-le-Grand)
Sortie en salle à Paris le 8 Novembre 2017
Ci-dessous le dossier pédagogique du film :