La FCPE a fait entendre sa détermination au ministre de l’Education nationale
Samedi 3 juin, à l’occasion de son 71e congrès national à Biarritz, la FCPE a accueilli le nouveau ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, qui s’exprimait pour la première fois devant les parents d’élèves. Rythmes scolaires, autonomie, modes de gouvernance et surtout de concertation… la FCPE a rappelé ses priorités et ses exigences par la voix de sa présidente nationale ainsi que celles des CDPE, au premier rang desquels la FCPE Paris qui a fait voter une motion pour demander la tenue d’un Grenelle de l’Education dans la première année du quinquennat.
Très attendu par les congressistes après ses premières annonces abruptes sur le retour à la semaine de 4 jours et sur la réforme du collège, le ministre a choisi d’insister sur sa volonté de construire une école de la confiance : « Les parents d’élèves auront une importance toujours accrue dans le mandat que j’exercerai et je serai attentif à vos propositions », a-t-il promis. Il a affirmé qu’il « ne ferait pas une nouvelle grande loi sur l’éducation », qu’il « ne ferait pas de changements qui ressembleraient à des zigzags ».
Concernant le débat sur les rythmes scolaires, le ministre a assuré qu’il ne voulait pas de retour en arrière, mais qu’il laisserait les communes revenir à quatre jours si elles estimaient que cela était nécessaire. « Le débat est ouvert, le décret n’est pas encore finalisé, nous allons discuter ».
Les parents d’élèves, qui ont brandi pendant l’intervention du ministre, les affiches de la campagne de 2013 « Pour une école qui vit à mon rythme », n’ont pas semblé très convaincus par les arguments avancés, s’inquiétant de la territorialisation de l’éducation. « Si le projet de décret n’avance pas d’ici là, nous voterons contre, je lui ai dit et répété, a commenté Liliana Moyano, la présidente de la FCPE, à l’issue de cette rencontre. La FCPE reste attachée à ces questions qu’elle porte depuis longtemps. Le ministre parle de liberté mais nous pensons que la liberté ne doit pas défaire le cadre national. Le risque est que l’on détricote ce qui a été mis en place, et que l’on aille vers un accroissement des inégalités territoriales ».
Pour la FCPE, l’enjeu est aujourd’hui « de travailler sur le calendrier scolaire, sur l’architecture du temps scolaire de l’année ». « Nous sommes un pays où les temps sont les plus déséquilibrés, nous avons une semaine extrêmement dense avec des vacances beaucoup trop longues, a rappelé Liliana Moyano. La refondation de l’école est loin d’être finie ! »
Enfin, sur la réforme du collège, alors que le ministre de l’Education nationale a confirmé son souhait de voir les classes bilangues rétablies pour donner de l’autonomie aux établissements, la FCPE a pointé du doigt des décisions allant dans le mauvais sens. « Si l’autonomie, c’est laisser aux chefs d’établissement la liberté de réserver à quelques élèves les moyens supplémentaires, nous ne voyons pas autonomie mais inégalité. L’autonomie doit servir l’intérêt général, doit être le levier de l’égalité des droits », a assené Liliana Moyano dans son discours d’ouverture.
La déclaration de la FCPE Paris
Chaque congrès national de la FCPE est l’occasion pour les CDPE d’exprimer lors d’une intervention solennelle de 4 minutes ses attentes, priorités et positions.
Voici le texte de l’intervention faite à Biarritz le 4 juin par Isabelle Rocca, présidente de la FCPE Paris.
“Le nouveau ministre de l’Education a ses mots d’ordre : responsabilisation, pilotage par les résultats, redéploiement, libération des énergies, autonomie, méritocratie, filières d’excellence, dialogue de gestion avec l’école privée.
Et nous, nous avons les nôtres à la FCPE : vigilance, détermination, concertation, coéducation, investissement, temps long, lutte contre les discriminations, excellence pour tous, priorité donnée à l’école publique.
Le nouveau président de la République et son gouvernement entendent moraliser la vie publique ? Très bien, mais demandons-leur déjà de ne pas démoraliser le monde de l’éducation.
La raison d’être de notre fédération, de toutes nos actions sur le terrain, c’est de faire en sorte que l’Ecole publique, l’Ecole de la République reste bien le cœur du réacteur progressiste de notre société.
Alors oui, les inquiétudes sont grandes aujourd’hui, pour les semaines et les mois à venir, sans même se projeter plus avant.
A Paris, les enfants devraient conserver leurs 4 matinées et demi de classe mais qu’en sera-t-il sur le reste du territoire ? La décision d’un retour « à la carte » à la semaine de 4 jours répond-elle à l’intérêt des élèves ? La disparition du cadre national pour l’accompagnement personnalisé est-il vraiment une décision d’intérêt général ?
A Paris, la carte scolaire de la rentrée 2017 va sans doute acter une première casse de la Refondation de l’Ecole. Avec le redéploiement massif voire la suppression des PDM, avec la fermeture de nouvelles et très nombreuses classes à l’inverse des choix actés en février dernier en CDEN. Des inquiétudes aussi sur les brigades de remplacement péniblement et tout juste reconstituées cette année dans le 1er degré.
Pourquoi devrions-nous choisir entre l’accompagnement pédagogique et la réduction des effectifs ? Pourquoi devrions-nous accepter la sanction de politiques éducatives « à moyens constants » ? Pourquoi renoncer à investir dans l’éducation ?
Alors oui, notre fédération qui se bat depuis des années pour que soient mêlés efficacement considérants qualitatifs et quantitatifs au cœur de la Refondation de l’Ecole a du souci à se faire.
Non Monsieur le Ministre, la création de plusieurs dizaines de milliers de postes depuis 5 ans n’était pas une « erreur », c’était absolument indispensable.
Et la seule vraie posture de responsabilité, celle que vous appelez de vos vœux, consisterait à prolonger les efforts en matière de budget de l’éducation, en s’attaquant à l’ouverture de nouveaux chantiers plutôt que de défaire ce qui a été fait, a fortiori sans évaluation préalable et concertée.
Toute réforme en matière d’éducation a besoin de temps long et de consensus. C’est d’ailleurs le sens d’une des motions déposées par la FCPE Paris pour ce 70e congrès.
La FCPE doit également veiller à ne pas se laisser emporter par une « marche forcée » (sans mauvais jeu de mots) qui voudrait que tout corps intermédiaire (partis, syndicats ou fédérations de parents) ne soit plus en mesure de représenter ceux qu’ils entendent défendre.
Invoquer l’accès aux « vrais parents », le besoin d’horizontalité et de démocratie participative, pour court-circuiter les fédérations de parents, quel CDPE ne l’a pas expérimenté sur le terrain avec ses interlocuteurs Education nationale ou collectivités locales ? Mais le risque que cela devienne un principe structurant est plus grand aujourd’hui. C’est pourquoi il est plus que jamais crucial d’élargir notre base, de préciser notre identité « FCPE » et surtout de rendre visibles toutes nos actions d’intérêt général au service de chaque élève et de tous les parents.”
Pour un Grenelle de l’Education
Les délégués venus de toute la France proposent, élaborent et votent en congrès national les motions qui seront la “colonne vertébrale” des actions et revendications de la FCPE pour les mois et années à venir. En juin 2017, la FCPE Paris a présenté trois motions dont une pour demander la tenue d’une Grenelle de l’Education dans la première année du quinquennat.
Voici le texte de cette motion qui a été adoptée à une très forte majorité lors du congrès de Biarritz le 5 juin 2017.
“Si les diagnostics sont globalement partagés sur les maux dont souffre l’Ecole française, les conclusions tirées divergent, oubliant parfois de poser les bonnes questions. Quels sont les objectifs de l’école : sélectionner une élite ou faire réussir tous les élèves?? Il est grand temps de lever le voile sur les positions de chacun.
La FCPE regrette l’absence de courage politique qui empêche de chercher un consensus de la nation sur les missions de l’école et d’accorder un temps long pour réformer, distinct de celui des enjeux électoraux.
L’École de la République est aujourd’hui discréditée et affaiblie à cause de son incapacité à répondre aux difficultés scolaires de nombreux élèves qui révèle à la fois l’étendue du consensus libéral sur la construction d’une école à plusieurs vitesses et la peur d’engager un combat qui paraît immense. La FCPE estime qu’il est temps de faire des choix qui engageront toute la nation sur le temps long : sur la formation des enseignants, la mise à disposition des moyens humains et financiers nécessaires et le combat contre la ségrégation scolaire.
Parce qu’il faut rompre avec l’empilement et la valse des réformes, mettre fin au jargon administratif et déployer qualitativement les réformes sur le terrain, cesser de faire table rase des mesures du gouvernement précédent avant leur évaluation indépendante, transparente et concertée, la FCPE exige la tenue d’un Grenelle de l’éducation dans la première année du quinquennat”.