Ile-de-France : la vétusté des lycées, enjeu des régionales
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Ile-de-France : la vétusté des lycées, enjeu des régionales
La gauche critique déjà la présidente de la collectivité, Valérie Pécresse
Le gouvernement a beau vouloir reporter les élections régionales de mars à juin 2021, la gauche est déjà en campagne en Ile-de-France. Pour faire tomber Valérie Pécresse, présidente (Libres !) de la première région française et l’un des espoirs de la droite pour la future présidentielle, les écologistes et les socialistes ont choisi un nouvel angle d’attaque : le délabrement des lycées. La région les rénoverait mal, trop lentement, laissant élèves et enseignants dans une situation rendue encore plus difficile par l’épidémie de Covid-19.
Julien Bayou est le premier à tirer. « Pour les lycées comme dans d’autres domaines, Valérie Pécresse a un bilan calamiteux, déclare le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts, choisi par son parti pour mener la liste écologiste en Ile-de-France. La crise du Covid révèle toutes les impasses qu’elle a faites. Comment voulez-vous accueillir les élèves dans de bonnes conditions sanitaires quand les salles sont trop petites, que les fenêtres ne s’ouvrent plus ? » L’écologiste propose de « mettre les bouchées doubles » en consacrant aux lycées 5 milliards d’euros en cinq ans, alors que la région a déjà engagé en 2017 un plan de 5 milliards, mais étalé sur dix ans. Sans détailler le financement, il évoque simplement le recours accru aux subventions européennes.
Audrey Pulvar n’est pas en reste. L’ancienne journaliste, désormais adjointe d’Anne Hidalgo à la Mairie de Paris, devrait bientôt prendre la parole au sujet des lycées. « Vu leur état, il y a beaucoup à faire », glisse déjà celle qui devrait mener une liste soutenue notamment par les socialistes et les communistes. Ses arguments ne devraient guère différer de ceux de Julien Bayou. Les deux rivaux s’abreuvent à la même source, une analyse effectuée par l’intergroupe constitué par la gauche et les écologistes du conseil régional.
L’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy ne laisse cependant pas ces accusations sans réponse. Sur ce sujet, « la gauche devrait plutôt faire des excuses aux Franciliens, vu l’état dans lequel se trouvaient les lycées à mon arrivée à la région », réplique Valérie Pécresse. Ajoutant : « On ne peut pas rattraper en cinq ans les dix-sept années de sous-investissement et de désintérêt total de la gauche à l’égard des lycées. »
Sa riposte illustre toute la difficulté de la campagne à venir pour les deux camps. La gauche se heurte à une présidente de région, favorite des sondages, qui défend solidement son bilan, surtout en matière d’éducation, « le coeur de mon engagement politique », dit-elle. Mme Pécresse est néanmoins pénalisée par un point-clé : compte tenu des années qui s’écoulent entre la décision de construire ou rénover et la fin des travaux, de nombreux chantiers n’aboutiront qu’après la fin de son mandat.
Lycée fermé en urgence
Aujourd’hui, l’état médiocre des lycées d’Ile-de-France fait l’objet d’un constat assez partagé. « Quand j’ai été élue, en2015, la situation était apocalyptique, lâche Valérie Pécresse. Un établissement sur trois était vétuste, aucun n’avait de Wi-Fi car les écolos n’en voulaient pas, la politique de ressources humaines était honteuse, et le déni total en matière de sécurité. » Depuis, indique-t-elle, son « plan d’urgence » a permis de rénover 71 lycées. Les travaux sont lancés pour 77 autres. Un plan spécifique a été déployé pour les sanitaires, alors que certains lycées disposaient encore de toilettes à la turque. « On a aussi équipé 100 % des établissements en très haut débit, et bientôt 50 % en Wi-Fi. » A la rentrée, la région a également distribué des ordinateurs à tous les élèves de 2de. Pour les 12 nouveaux lycées qui doivent sortir de terre, en revanche, il faut encore patienter.
« Le résultat n’est pas à la hauteur des annonces », jugent les écologistes. A Paris, le lycée Rabelais (18e arrondissement) a dû fermer en urgence, en février, la tempête ayant rendu dangereux des bâtiments déjà délabrés. Il devra finalement être rasé puis reconstruit. A Lavoisier (5e), autre lycée parisien, les travaux de mise aux normes attendus depuis des années n’ont toujours pas débuté, et le nombre d’élèves a dû être restreint.
« La concrétisation du plan d’urgence est très poussive, alors que les effectifs, eux, ne cessent de grimper », déplore Ghislaine Morvan-Dubois, de la fédération de parents d’élèves FCPE. Les travaux eux-mêmes suscitent des interrogations. Les lycées d’Ile-de-France étant tous pleins, voire surchargés, impossible en général de transférer les cours ailleurs. A Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), profs et élèves de Jacques-Feyder n’en peuvent plus. Ils n’ont plus de préau, plus de cafétéria, mais subissent le bruit des perceuses et les odeurs de solvants.
Les résultats des travaux laissent parfois aussi à désirer. Au lycée Saint-Lambert (19e), une passerelle s’est décrochée le 18 septembre sous le poids d’un élève. Bilan, trois blessés hospitalisés, alors que l’établissement venait d’être rénové de fond en comble.
« Dérapages financiers »
Julien Bayou met par ailleurs en cause les partenariats public-privé (PPP) auxquels Valérie Pécresse a recouru pour construire plus vite quelques lycées neufs. « Ces PPP sont une folie qui aboutit à des dérapages financiers », accuse le chef de file des écologistes.
Et de citer le cas des chantiers de Palaiseau (Essonne) et Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), retardés notamment par le confinement. Ces tout premiers lycées neufs ne seront livrés par Vinci qu’en août 2021, et moyennant une rallonge de 1,6 million d’euros hors taxe aux frais de la région. « Les partenariats ne représentent que 10 % du plan d’urgence, c’est un levier utile et que nous maîtrisons », réplique Valérie Pécresse.
Si la gauche reconnaît que les investissements ont grimpé, elle accuse en revanche Valérie Pécresse d’avoir raboté les moyens de fonctionnement des lycées, ramenés en moyenne « de 200 euros à 180 euros par élève . « Elle a en outre privilégié les lycées privés », assure Julien Bayou. Faux, répond l’intéressée. « J’ai certes effectué quelques travaux de sécurisation dans des lycées privés, à titre dérogatoire, et permis aux élèves boursiers du privé d’avoir accès aux aides sociales, indique la présidente de la région. Mais globalement, la part du public dans nos dotations a augmenté, passant de 69 % en 2015 à 72 % dans le budget 2021. »
Chiffre contre chiffre, argument contre argument. L’empoignade promet de durer.