QUESTIONS AUX CANDIDATS – REGION ÎLE-DE-FRANCE
La parole à Audrey PULVAR
https://www.fcpe75.org/wp-content/uploads/2015/12/2020-05-07-La-parole-a-Audrey-PULVAR.pdf
Le bassin scolaire 8-17 couvre sept lycées dans le 8ème et le 17ème arrondissement : Carnot, Chaptal, Jean Drouan , Ecole Nationale de Commerce, Honoré de Balzac, Maria de Raismes et Racine.
Les évènements que nous avons vécus après le 1er confinement, l’enseignement 50-50, la réforme AFFLENET, les épreuves du BAC et PARCOURSUP ont sérieusement impacté le cursus de nos enfants. Ainsi des revendications nouvelles sont apparues auxquelles les élus, même s’ils ont été à l’écoute, n’ont pu apporter de solutions concrètes le plus souvent pour des raisons budgétaires qui n’avaient pas été anticipées.
Nos établissements sont en sureffectifs avec des classes de plus de 30 élèves, les chantiers de rénovation sont en retard et les délais de construction sont trop longs.
Les mairies d’arrondissement sont en charge des établissements du 1erdegré, la mairie de Paris des collèges et la Région des lycées. La perspective des élections régionales nous amène à interroger les candidats sur leurs projets et sur leurs conséquences pour les lycéens de notre bassin scolaire.
1. Mixité sociale et scolaire :
Paris est l’une des académies les plus ségréguées de France. Nul ne peut donc considérer que la situation actuelle, malgré les efforts qui ont été réalisés, soit satisfaisante.
Audrey PULVAR : Comment envisagez-vous de renforcer la convergence des politiques publiques mises au service de la réussite de tous les élèves (classes CHAM et CHASE, rénovation des bâtiments, projets culturels et sportifs…) ?
Il faut une meilleure concertation des politiques éducatives entre tous les acteurs : région, rectorat, parents d’élèves, proviseurs et représentants des enseignants. Ce n’est que comme cela que l’on peut avancer. Tous les interlocuteurs nous ont parlé d’une dégradation de ce dialogue sous le mandat de Valérie Pécresse. Elle n’a réuni que de manière très sporadique le conseil interacadémique. C’est pourtant cette instance de dialogue qui permet la convergence que vous appelez de vos vœux. Nous souhaitons restaurer cette écoute et faire en sorte que la Région soit plus près du terrain.
Il faudra aussi s’assurer que les élus siègent régulièrement dans les conseils d’administration et se fassent les relais des problèmes. L’opposition sous cette mandature a accepté de ne pas siéger pour ne pas laisser entrer le Rassemblement National dans nos lycées, mais les élus régionaux de droite ne siègent jamais pour la grande majorité d’entre eux. C’est un problème. Cela ne concerne pas votre secteur mais l’exemple de la fermeture du lycée Rabelais est symptomatique de la dernière mandature et de ces problèmes de gestion qui nuisent aux établissements et à leurs élèves et in fine à leur attractivité. Des lycées mieux gérés, ce sont des lycées dans lesquels les élèves souhaitent aller.
Pour ce qui est du sportif et du culturel, il faut aussi d’avantage ouvrir nos équipements sportifs hors temps scolaire pour ancrer le lycée dans la cité et il faut remettre en place une politique culturelle ambitieuse, en lien avec le rectorat, avec des résidences d’artistes par exemple. C’est comme cela que la Région peut jouer son rôle pour renforcer l’attractivité des établissements scolaires et lutter contre la ségrégation que vous évoquez.
Pour ce qui est de tous les dispositifs de réussite des élèves, la Région renforcera les moyens de la lutte contre le décrochage scolaire. Elle peut le faire par les dotations qu’elle donne aux établissements qui s’engagent sur ces sujets. Il faudra aussi que la Région défende les dotations globales horaires et les options disponibles et ne fasse pas systématiquement l’autruche lorsque le ministre décide de suppressions de poste. Il faut une région qui protège face à la politique comptable de l’Éducation nationale qui, depuis 2017, aggrave la ségrégation scolaire. Durant cette mandature, à chaque fois que l’opposition a demandé à Valérie Pécresse de prendre position face à des fermetures de classe, de filières professionnelles, elle a fait la sourde-oreille.
2. Architecture & patrimoine scolaire :
L’équilibre de la mixité scolaire passe par l’attractivité des lycées. Pour arriver à cet objectif la région doit investir massivement dans la rénovation et l’entretien des établissements et la création de nouveaux lycées voire des internats.
Où en sommes-nous et quel est votre projet dans notre bassin scolaire pour les six prochaines années ?
Audrey PULVAR: Avant de parler d’investissements, il faut d’abord que les lycées puissent fonctionner au jour le jour et être entretenus. La Région met de moins en moins d’argent sur la table, année après année, dans le budget de fonctionnement des lycées, alors que la population des établissements augmente. Pour ce qui vous concerne, c’est le cas au lycée Racine (-27€ par élève), Balzac (-29€), Carnot (-23€) et à l’école internationale de commerce (-2€). La chambre régionale des comptes elle-même le dénonçait l’an dernier car ce sont des économies de court-terme sur des postes de dépense essentiels.
Mais vous avez raison, malgré les grands chiffres annoncés par Valérie Pécresse sur les travaux, en réalité ils n’avancent pas. Le pôle lycée qui a subi de très nombreuses réorganisations, est désorganisé et travaille mal. Sauf erreur de notre part, pour ce qui vous concerne, nous constatons que la rénovation de la demi-pension du lycée Racine, votée en 2012, n’est pas encore achevée, que la rénovation du pôle science du lycée Chaptal, votée en 2012, n’a pas démarré, que le l’internat du lycée Balzac n’est pas encore livré et que la rénovation thermique du même établissement, décidée en 2017 n’a pas encore été lancée. Les travaux décidés en 2012 devraient être terminés. Nous accumulons trop de chantiers à faire et il faut commencer par s’occuper de ce passif. Rappelons qu’au même moment, les opérations de rénovation des lycées privés financées par la Région Île-de-France augmentent de manière exponentielle. C’est inacceptable.
Sur Paris, étant donné la faible progression démographique attendue, il faut surtout travailler à rénover les établissements et à créer des internats, qui sont un vrai moteur de réussite. Les internats n’ont malheureusement pas été la priorité de Valérie Pécresse. Elle avait promis la réalisation de deux internats sur Paris en 2017 mais aucun projet n’a été lancé durant la mandature. Il faudra s’y atteler, malgré la complexité évidente liée au manque de foncier.
3. Pollution :
Contrairement à la réglementation sur la surveillance de la qualité de l’air à l’intérieur des établissements publics, les établissements d’enseignement du second degré ne sont toujours pas équipés alors que c’est une obligation depuis le 1er janvier 2020.
Quels sont vos engagements sur la mise en place des moyens de surveillance et sur les mesures pour lutter contre la pollution ?
Audrey PULVAR: Cela fait des mois que des conseillers régionaux de l’actuelle opposition demandent des mesures en ce sens. Des mesures de qualité de l’air ont eu lieu en réalité mais la communication des résultats a été purement et simplement refusée aux conseillers régionaux. Il a également été demandé que la Région investisse dans des purificateurs d’air et dans des capteurs de CO2. Là encore, nous nous sommes heurtés à un mur. C’est incompréhensible, ces mesures devraient faire consensus.
Nous travaillons actuellement à un programme qui sera très prochainement rendu publique et qui comprendra un plan ambitieux de lutte pour l’amélioration de la qualité de l’air dans les établissements.
4. Santé :
Nous manquons de médecins, de psychologues et d’assistant(e)s sociales rattaché(e)s aux lycées. La pandémie nous a permis de constater le manque de moyens, des chefs d’établissement qui essayaient d’appliquer les protocoles sanitaires. L’Agence Régionale de Santé Ile-de-France s’est montrée inefficace pour mettre en place des tests ciblés (surveillance des eaux usées, contrôle de la mise en place du protocole sanitaire).
Quelle est votre proposition en termes de moyens et d’organisation ?
Audrey PULVAR: La médecine scolaire en elle-même est du ressort exclusif de l’éducation nationale et la première des choses à faire est d’aller porter publiquement ce problème auprès des services de l’État. Il y a des postes de médecins et d’infirmiers qui sont créés et qui ne trouvent pas preneurs. Il faut trouver des solutions innovantes pour rendre ces postes attractifs mais cela doit passer par l’Éducation nationale.
Par contre la Région doit prendre sa part dans son champ de compétence.
D’abord, en donnant suffisamment de moyens aux établissements pour le protocole sanitaire, ce qui rejoint ce que nous évoquions au premier point. Les fonds covid prévus par la Région sont totalement insuffisants. L’ARS étant un service de l’État, la Région peut seulement combler certains de ses manques mais ne peut pas entièrement remplacer l’État et le gouvernement, qui se sont montrés totalement défaillants dans la gestion de crise.
Ensuite, en allant beaucoup plus loin sur la prévention en direction des jeunes, qui a été un peu délaissée depuis 5 ans. A travers Île-de-France Santé Sida et le Centre Hubertine Auclert, nous avons deux très beaux organismes régionaux dont les moyens ont été malheureusement diminués et qui peuvent être utilisés pour renforcer les actions de prévention par des associations et des professionnels agréés dans les lycées. Il faut faciliter la circulation de ces acteurs dans les établissements. Il faudra aussi engager un grand travail sur le ressenti des jeunes sur la crise sanitaire, sur ce qu’ils ont vécu, pour qu’ils puissent individuellement et collectivement le verbaliser. La région peut envisager des programmes en ce sens, à destination des lycéens mais aussi des apprentis et des étudiants.
5. Restauration scolaire :
Les contraintes liées à la distanciation ont révélé des lacunes sur le plan du maintien du service. Dans certains cas des enfants ne pouvaient plus déjeuner et les contraintes horaires ne leurs permettaient pas de rentrer chez eux. La qualité des repas s’est dégradée sous prétexte que les prestataires augmentaient les prix.
Comment éviter que ce désastre se réédite ?
Audrey PULVAR: C’est grâce à la pression de conseillers régionaux de l’actuelle opposition à la Région Île-de-France que Valérie Pécresse a mis en place, de manière malheureusement chaotique, l’aide financière aux familles des élèves demi-pensionnaires pendant le confinement. Cette aide aurait dû être indexée sur le quotient familial pour une plus juste répartition et qu’elle aide davantage les familles qui sont le plus dans le besoin.
Pour une raison qui nous échappe elle s’est malheureusement arrêtée là. Des élus n’ont cessé de lui réclamer un plan de continuité de la restauration scolaire, qui devait reposer sur un principe simple : des aménagements (et parfois des travaux) pour le respect strict du protocole sanitaire dans les cantines, la sélection de prestataires pour livrer des panier repas, préférablement chauds, à tous ceux qui n’ont pas accès à la cantine (demi-jauge ou cantine fermée). Enfin, ce plan aurait aussi prévu une aide financière systématique dans les cas de fermeture nécessaire des cantines et d’impossibilité de distribution de paniers. Ce n’est pas un vœu pieu, cela se fait ailleurs qu’en Île-de-France.
Et au-delà, cette situation dans les cantines a joué comme un révélateur du manque structurel d’agents de cantines et de maintenance dans nos établissements. Les agents sont âgés, ils sont souvent absents en raison des pathologies liées à l’exercice de leurs métiers manuels et il faut un plan d’embauche. De nombreuses fermetures ont eu lieu car la Région n’a pas de solution de remplacement des absents.
6. Enseignement des langues étrangères :
En 2030, lorsque nos enfants arriveront sur le marché du travail ils ne sauront toujours pas s’exprimer en anglais et encore moins dans les langues pratiquées dans les échanges avec les pays des BRICS dont le PIB aura doublé (Portugais, russe, mandarin…). La Région pourrait accompagner la création des nouvelles sections internationales implantées, dans la mesure du possible, dans les établissements souffrant d’un déficit d’attractivité.
Avez-vous un projet concernant l’enseignement des langues dans notre bassin scolaire ?
Audrey PULVAR : L’apprentissage des langues doit évidemment être au cœur des enjeux pédagogiques et la France traîne sur ce sujet un retard qui la pénalise. Depuis Jean-Paul Huchon, la Région a lancé la création de lycées internationaux, comme celui de Noisy-le-Grand. Cette politique il faut effectivement la poursuivre, en particulier dans des secteurs qui manquent d’attractivité.
La Région Île-de-France propose une application d’apprentissage des langues qui fonctionne bien et peut intervenir auprès du rectorat pour l’encourager à ouvrir des sections internationales et des postes de langues étrangères mais nous ne pouvons pas créer nous-même de postes. Et plus l’on détruit de postes de professeurs, moins ces langues seront disponibles car ce sont les premiers postes à être supprimés, car jugés moins essentiels que les autres. C’est malheureusement la politique d’Emmanuel Macron et de Jean-Michel Blanquer.
La Région peut par contre favoriser et financer les projets des professeurs comme les séjours à l’étranger ou les échanges. Nous travaillerons à les faciliter et à les multiplier.
7.Sport scolaire :
Depuis des décennies, Paris constitue l’un des territoires les plus pauvres en installations sportives (12 installations pour 10 000 habitants). C’est l’accès aux piscines qui soulève le plus de difficultés. Les piscines sont un des équipements les plus sollicités et les plus fréquentés : à Paris, elles sont trois fois plus utilisées que ce qui est recommandé. Dans notre bassin, elles sont trop souvent fermées pour des travaux qui s’éternisent.
Quelles sont vos propositions ?
Audrey PULVAR : L’accès aux activités sportives et à la natation en particulier est un enjeu majeur dans la région Île-de-France. 1 jeune sur 2 en Seine-Saint-Denis ne sait pas nager, faute d’accès à une piscine.
La Région Île-de-France doit accélérer ses programmes de rénovation et de remise à niveau des équipements des lycées et elle finance les équipements municipaux, notamment à travers un plan piscine qui avait été mis en place par la gauche. Ce plan n’est pas suffisamment utilisé.
C’est aussi le sens de la politique qui est menée dans le cadre des JOP 2024, qui vont permettre à la région de se doter d’équipements neufs pour ses jeunes.
La Région ne dispose par contre pas en propre de compétences pour construire elle-même des piscines. Il est par contre souhaitable de multiplier les déplacements de classes dans les bases de loisirs régionales qui disposent de points de baignade et d’équipement sportifs.
Nous regrettons enfin que la Région Île-de-France ait largement diminué sa distribution de tickets-loisirs aux enfants les plus défavorisés, à travers les mairies d’arrondissement, qui permettaient justement d’améliorer l’accès des jeunes parisiennes et parisiens aux infrastructures de sports et de loisirs de la région.
8. Numérique : de la fracture aux inégalités.
Il existe un fossé séparant ceux qui bénéficient de l’accès à l’information numérique (les infos-riches) et les autres, ceux qui demeurent privés de contenus et des services que ces technologies peuvent rendre. La dotation, annoncée par la région,, en terminaux informatiques à tous les élèves qui en éprouvaient le besoin a été partiellement suivie. Les demandes sont toujours en attente de réponse, un an après le premier confinement.
Quelles sont les mesures concrètes sur lesquelles vous pouvez formellement vous engager pour compenser les inégalités sur la gratuité de l’accès aux services Internet et sur les moyens pour les élèves pour lesquels c’est un obstacle ?
Audrey PULVAR: Depuis 2019 la politique de Valérie Pécresse concernant le « 100% numérique » pose un certain nombre de problèmes. Nous estimons qu’elle a été réalisée dans l’improvisation la plus complète, tout en engageant des sommes énormes (plus de 180M€), sans donner les résultats escomptés. Les tablettes ont prouvé qu’elles étaient inadaptées au travail en classe, les ordinateurs peinent encore à être livrés, quand ce n’est pas le WIFI qui est absent ou mal calibré. Ce matériel fait souvent doublon chez les familles déjà équipées. Résultat : du matériel qui prend souvent la poussière, d’autant que les professeurs ne sont pas formés à leur usage.
Cela ne veut bien entendu pas dire qu’il ne faut pas lutter contre la fracture numérique mais il faut s’y prendre autrement. Il faut premièrement s’assurer que les familles aient une connexion réseau pour le travail à la maison, et distribuer des clés 4G au besoin. Il faut cibler la politique de distribution d’ordinateurs chez ceux qui n’en ont pas. Le matériel doit être simple d’utilisation mais efficace pour le travail, avec assez de mémoire et de puissance pour permettre son utilisation pour les études.
Nous utilisons tous aujourd’hui collectivement trop nos écrans et cela a des conséquences graves sur la santé de nos enfants. Nous ne pensons pas que ces équipements individuels doivent faire l’objet d’une utilisation systématique en classe. Il faudra coconstruire la politique numérique avec les enseignants. Nous distribuons du matériel individuel mais nous abandonnons les salles informatiques qui permettent aux professeurs d’installer leurs logiciels, d’utiliser leurs propres méthodes et de déployer leur pédagogie. C’est inefficace. Il faut partir des besoins des familles et des enseignants pour construire une politique numérique et non l’inverse.
Enfin il faudra impérativement engager une discussion avec le rectorat pour la formation continue des enseignants aux nouvelles pédagogies numériques et travailler à l’amélioration de l’ENT régional.
9.Vos autres propositions
Audrey PULVAR : Notre programme est actuellement en cours de réalisation mais s’orientera en matière d’éducation sur les priorités suivantes (qui apparaissent en fil-rouge ici dans nos réponses) : des lycées ouverts vers le monde associatif, culturel et sportif, des lycées rénovés et adaptés au réchauffement climatique (il faut impérativement multiplier les îlots de fraicheur), un renouvellement de la politique numérique, la lutte contre le décrochage scolaire et un projet éducatif régional tourné vers la culture, la laïcité, la citoyenneté et l’égalité femmes-hommes
Notre programme est par ailleurs le fruit d’une démarche participative, à laquelle nous vous convions, en réagissant ou en formulant vos propres propositions à cette adresse
https://www.iledefranceencommun.com/