Affelnet 2017 : pas de révolution et encore beaucoup de questions
Le groupe de travail académique sur Affelnet 2nde a repris du service mercredi 14 décembre, après trois ans de mise en sommeil par l’ancienne équipe académique avec les résultats que l’on connaît. L’épisode des 83% de boursiers au lycée Turgot à la rentrée 2017 n’est que la face visible d’un système à bout de souffle faute d’avoir su évoluer pour respecter ses objectifs initiaux : plus de mixité sociale et scolaire dans les lycées parisiens.
Si l’Académie se serait bien contentée de valider les premiers éléments techniques présentés séparément aux fédérations de parents et aux syndicats des chefs d’établissement il y a quelques semaines, afin de préparer une adaptation à la marge du nouvel Affelnet 2nde aux spécificités parisiennes, c’était sans compter avec la détermination de la FCPE, rejointe par le SNPDEN pour réclamer que cesse enfin la logique de bricolage où l’on évacue une réflexion en profondeur sur les évolutions nécessaires de l’Affelnet parisien.
Le besoin d’une réflexion plus générale et ambitieuse
La FCPE a rappelé les exigences des parents depuis dix ans, exigences plus que jamais d’actualité compte tenu des niveaux de ségrégation, de concurrence et d’évitement scolaires. Il est indispensable d’assurer une mixité sociale et scolaire dans tous les établissements et dans toutes les classes. Et, parallèlement, il faut faire en sorte que chaque établissement soit en mesure de gérer pédagogiquement l’hétérogénéité sociale et scolaire qui est la sienne. Il faut donc sortir de la seule logique comptable des pourcentages de boursiers par établissement, il convient de travailler en profondeur l’attractivité de chaque établissement à partir de deux leviers principaux : l’offre de formations et l’accompagnement réel de chaque élève, qu’il soit en situation de difficulté ou de réussite scolaire.
Le SNPDEN a de son côté rappelé son objectif : arriver à terme dans chaque établissement à un tiers d’élèves aux meilleures notes, un tiers d’élèves aux notes moyennes et un tiers d’élèves aux moins bonnes notes. Cette demande d’hétérogénéité scolaire partagée par la FCPE et susceptible de pousser vers le haut tous les élèves devra être mise en discussion dans les prochains mois pour voir comment opérationnaliser concrètement, via Affelnet, son instauration progressive sur Paris.
Il faut ici saluer la nette évolution de la position académique puisque son nouveau directeur, Jean-Michel Coignard, a finalement reconnu la nécessité d’engager une réflexion de fond associant les membres du groupe de travail (parents, chefs d’établissement, services académiques) mais également l’expertise de chercheurs indépendants à même de croiser données et propositions sur tous les aspects de la question : poids des notes, frontières et nombre de districts, part du bonus boursier, effet établissement… Et la FCPE de rappeler que pour proposer enfin en 2018 une procédure renouvelée, il fallait s’engager immédiatement dans la discussion, au risque sinon de se faire à nouveau rattraper par le manque de temps à l’automne prochain.
Sécuriser la procédure
Reste que pour préparer la rentrée prochaine, « avec un calendrier très contraint » (début février, les règles doivent être posées) et « dans le contexte très particulier de la nouvelle évaluation », l’Académie entend uniquement « sécuriser la procédure avec le nouvel Affelnet » et « assurer les progrès qu’il y a déjà eu en terme de mixité via le bonus boursier ». L’objectif est aussi de ne pas se retrouver avec d’autres « Turgot » en 2017. Les affectations en seconde se feront donc « pour une année au moins » sur la base des principes suivants : le niveau scolaire, le critère géographique (600 points pour les collégiens qui choisissent un lycée de leur district) et le critère social (un bonus boursier de 300 points) avec une iso-répartition par district. L’Académie a également précisé qu’il y aurait blocage au-delà de 50% de boursiers sur un établissement.
La FCPE a alerté sur les effets « établissement » possibles d’un tel paramétrage. Il pourrait entraîner des augmentations de 10 à 12 points du taux de boursiers dans des établissements actuellement considérés comme fragiles malgré leur relativement faible taux de boursiers (ex. le lycée Voltaire dans le district Est qui pourrait passer de 19,6% en 2016 à 30% de boursiers en 2017 selon les simulations opérées par l’Académie). A ce titre, la FCPE a rappelé qu’il faudra impérativement renouveler les modes d’accompagnement des établissements dans leur gestion de l’hétérogénéité scolaire et sociale dès la rentrée prochaine.
De leur côté, les chefs d’établissement ont insisté pour rappeler que le risque principal c’est « la formulation des vœux à partir de listes stéréotypées ». La FCPE a de son côté rappelé l’importance du travail en amont, dans les établissements comme au sein des familles – en coéducation – pour aider les élèves à faire des choix éclairés qui correspondent à leurs souhaits personnels d’orientation et non aux projections des uns et des autres.
La prise en compte de l’évaluation par compétence dans Affelnet
Le grand défi qui est aussi source de nombreuses interrogations et inquiétudes pour les parents est celui de la prise en compte de la nouvelle évaluation par compétences dans Affelnet (qui déterminera les points « niveau scolaire »).
La FCPE a évoqué l’absurdité même de la logique qui consiste à supprimer progressivement les notes pour les réintroduire ensuite dans Affelnet via un barème de points sur les niveaux du socle et des champs disciplinaires. En pratique, concernant le niveau scolaire, il y aura la prise en compte des 4 niveaux du socle de compétence et de la validation des 7 champs disciplinaires à la place des notes des 11 matières évaluées lors du DNB.
L’évaluation du socle commun représentera 400 points. La maîtrise de chacune des huit composantes du socle commun sera appréciée et validée lors du dernier conseil de classe de la classe de 3e : Maîtrise insuffisante (10 points), Maîtrise fragile (25 points), Maîtrise satisfaisante (40 points), Très bonne maîtrise (50 points). Les positionnements au regard des objectifs d’apprentissages (bilans trimestriels) seront eux à convertir en 4 échelons pour un maximum de 112 points. Pour les chefs d’établissements il s’agira de préciser au moment de l’importation des notes dans Affelnet, à quels échelons correspondent les notes obtenues par les élèves au contrôle continu.
La question de l’harmonisation des échelons a été posée par les fédérations de parents, l’académie reconnaissant la nécessité de réunir les chefs d’établissement pour trouver une solution sur cette problématique-là. FCPE et PEEP ont exigé d’obtenir toute la transparence sur les modalités de définition des échelons.
Les craintes des parents sont liées à la conséquence directe de cette nouvelle forme d’évaluation : en réduisant l’amplitude du classement des élèves, il est possible de voir apparaître des groupes homogènes d’élèves et, dès lors, comment l’Académie départagera-t-elle les ex aequo ?
La position de l’Académie est très prudente et particulièrement optimiste. Sa simulation sur la base de ce qui se passe dans l’Académie de Versailles laisserait penser qu’il n’y aura pas ou très peu d’ex aequo (pas plus de 5 à 10 par établissement). Dans ce cas, la logique serait la suivante : jouer d’abord sur les capacités d’accueil pour donner satisfaction à tous les élèves. Le tirage au sort ne serait donc qu’une hypothèse très marginale mais pas totalement écartée par l’Académie. Le SNPDEN et la FCPE ont alerté sur le risque, pour éviter le tirage au sort, de surcharger les divisions avec des classes à 38 élèves. Pour la DASEN 2, l’Académie anticipera « en minimisant les capacités d’accueil en début de procédure pour s’assurer qu’il n’y ait pas de problème d’affectation quitte à redonner ensuite les places pour ne pas avoir à opérer des tirages au sort ».
Difficile transparence
Face à la demande des parents FCPE et PEEP d’une totale transparence sur l’outil Affelnet, l’Académie a botté en touche sur la question de la communication des points aux familles et renvoyé la responsabilité de la transmission du code source de l’algorithme sur le ministère puisqu’il s’agit d’un dispositif national, même fortement adapté dans sa version parisienne.
Districts : une affaire de frontières
Sur la question des districts, la position de l’Académie est de les conserver mais d’assouplir la frontière entre Est et Sud en permettant aux élèves du district Est de faire des vœux sur les 13e et 14e arrondissements tout en conservant le même bonus district. La FCPE a questionné ce choix du débordement envisagé du district Est : pourquoi ne pas alors choisir aussi les 6e et 5e plus frontaliers ? comment justifier auprès des familles la non-réciprocité ? s’agit-il de remplir des établissements qui se vident ? y a-t-il une nécessité absolue de cette étape intermédiaire avant de repenser enfin la carte des districts ? qu’en pensent les syndicats des chefs d’établissement ? La FCPE a demandé que cette modification des limites de districts ne soit pas actée en l’état mi-décembre mais qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle réunion du groupe de travail en janvier. La FCPE a été rejointe sur cette position par les syndicats des chefs d’établissement qui souhaitent avoir le temps de concerter sur les arrondissements avant de se prononcer.
Autre sujet d’inquiétude pour les chefs d’établissement : quand pourront-ils informer les familles des nouvelles modalités d’affectation ? Et avec quels supports d’information ? Un document est en préparation pour les parents, réalisé par l’ONISEP de Paris.
A ce jour, et sur tous les sujets (barème, districts et boursiers), la FCPE Paris est donc extrêmement réservée sur les propositions de l’Académie qui ne répondent pas à nos exigences pour la rentrée 2017 et qui tendent uniquement à préserver le système antérieur.