Associer les partenaires à la démarche inclusive, quels partenariats pour quels objectifs ?
Le partenariat n’est pas naturel. C’est une rencontre de personnes. On se croise, on s’apprécie, on est sur la même longueur d’onde et là cela fonctionne. Dans le cas contraire, c’est un frein rédhibitoire, un obstacle à la réussite du partenariat.
J’en veux pour preuve la difficulté que rencontrent les familles pour la mise en pratique effective des aménagements accordés face à des professeurs au mieux peu informés au pire opposés à la loi de 2005 et à son application, et qui freinent voire nient totalement les droits du jeune en situation de handicap en lui refusant d’appliquer le tiers temps ou le calibrage des documents. Alors que cela devrait être automatique car les décisions de la CDAPH ont force de loi, on se voit opposer une fin de non recevoir inadmissible et pourtant si courante.
A titre d’exemple, pas plus tard qu’hier une jeune en situation de handicap en classe prépa, qui demandait innocemment les raisons d’un changement de barème après correction à son professeur de maths, pourtant responsable pédagogique et qui n’a jamais respecté le tiers temps auquel elle avait droit, se voit répondre « Cela te pose un problème ? Si c’est le cas cela est un comportement particulièrement peu intelligent ». Bien sûr la meilleure défense c’est l’attaque, mais c’est faire peu cas de la loi de 2005.
Il faut l’intelligence d’aller voir comment fonctionne l’autre. La bienveillance, le sérieux, la confiance sont les maîtres mots d’un partenariat réussi.
En ma qualité de parent d’élève, et plus particulièrement en ma qualité à la FCPE Paris de responsable handicap et école inclusive, j’ai pu apprécier l’importance de nombreux partenariats comme celui avec l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) et son formidable réseau d’étudiants aidant des jeunes dans des situations précaires pour un mentorat réussi. Cette association nationale reconnue d’intérêt général depuis 1991 mobilise chaque année des milliers d’étudiants pour accompagner des jeunes en difficultés scolaires et créer du lien dans les quartiers populaires .
Avec le CIDJ de Paris, quel bel exemple de partenariat réussi que le forum emploi handicap qui s’est tenu mardi dernier, 13 octobre 2020, avec la présence de la Ville de Paris, de la MDPH, de l’ARS, des associations de parents, de l’association Atouts pour tous et droit au savoir, des groupes accor et mederic et j’en oublie.
Avec le Rectorat, c’est au quotidien que j’alerte les inspecteurs chargés de l’école inclusive qui ont la même vision que moi sur la place que doivent avoir les enfants en situation de handicap dans l’Ecole de la République. Combien sont importantes ces remontées de parents en détresse qui voient du jour au lendemain disparaître une AESH aux côtés de leur enfant ou de ces parents en total désarroi face à l’attitude d’un enfant non encore diagnostiqué. Et je parle à peine des situations des enfants sans place en Ulis ou sans AESH pourtant dûment notifiée.
Avec la MDPH, c’est le temps que l’on gagne par un bon accompagnement des parents dans la rédaction et le dépôt du dossier. Cette bienveillance peut nous faire gagner plusieurs semaines sur la notification qui permettra un bon accompagnement et des aménagements adéquats des jeunes.
Ainsi, une jeune fille asperger scolarisée en classe de première devait obtenir, l’an dernier, une AESH et un aménagement de tiers temps avant les épreuves d’E3C et en motivant sa maman à venir très vite à la MDPH pour déposer avec moi son dossier et en signalant l’urgence c’est en moins de 3 semaines que sa notification est arrivée quand la moyenne est de 3 mois.
Lors des ESS, avec la direction de l’école, les parents, l’enseignant référent, les professeurs principaux et les médecins et infirmières scolaires, et même un soignant du jeune, nous cherchons les meilleures solutions qui seront adaptées aux besoins spécifiques du jeune. C’est du sur-mesure.
Ces équipes de suivi de scolarité annuelles sont l’exemple type d’un partenariat qui peut aboutir à une belle inclusion, si tous les acteurs sont présents (ce qui n’est pas toujours le cas) et disposés à chercher dans chaque matière et pour chaque moment de la journée quelle sera la meilleure solution pour aider et rassurer l’enfant concerné.
Et comment ne pas vous parler du SIEC et de son directeur qui a sauvé les 2 dossiers les plus désespérés que j’ai eu à traiter.
Tout d’abord un jeune qui, à cause d’un retard d’une AESH lors d’une épreuve, rate son bac une première année pour 0,5 points et l’année d’après on ne lui permet pas de garder ses notes obtenues l’année précédente au rattrapage. Je tente le mail de la dernière chance au directeur du SIEC et ça marche. En réponse, il accepte de conserver ces notes et le jeune obtient son bac !
La seconde fois, cette année si spéciale, une jeune fille en phobie scolaire, seule élève de son lycée du 16e à ne pas avoir son bac dès juin et à laquelle on refuse la possibilité de le repasser en septembre. Fidèle à mon mail de la dernière chance au directeur du SIEC, j’explique pourquoi cette année plus que les autres je trouve inique cette perte de chance. En réponse, elle est autorisée à passer en septembre. La jeune fille, regonflée par ce nouvel espoir, obtient 16/20 en maths au rattrapage et réussit son bac haut la main.
Alors oui, des partenariats avec des personnes de qualité, j’y crois. Et l’école inclusive ira plus loin, plus vite si l’on continue ainsi.
Mais comment généraliser les bons résultats obtenus par certains ? Comment institutionnaliser la bienveillance ? 15 ans après la loi de 2005, le mouvement devrait aller plus vite car les marques ont été prises, les acteurs sont en place mais il manque encore trop d’accompagnants. Les professeurs loin s’en faut, ne sont pas tous formés et sensibilisés au handicap, l’école inclusive ne serait qu’un vain mot ou alors pour les autres.
Alors, il faudrait réinventer un partenariat nouveau, où l’intérêt de l’enfant serait au centre des préoccupations de tous les adultes, où les réponses seraient données dans des délais très brefs, où les aménagements seraient mis en place sans difficultés par une équipe bienveillante avançant tous dans le même sens.
Si l’on prenait à bras le corps le chantier de l‘accessibilité aux apprentissages ? Comment compenser pleinement le handicap en adaptant chaque matière aux problèmes spécifiques de chaque jeune ? Et quel partenariat préférer pour y parvenir ?
Et pour rebondir sur la période de confinement qui a mis en lumière les phénomènes de décrochage scolaire, pourquoi ne pas promouvoir une pédagogie de la créativité pour maintenir la motivation et le désir d’apprendre et le partenariat qui serait alors envisagé serait celui de l’interdisciplinarité qui faciliterait les échanges entre professeurs pour aller dans le même sens pour le bien être des élèves ?
Il faut à tout prix éviter le sentiment chez l’élève en situation de handicap que c’est l’école qui ne veut pas de lui.
L’idéal de demain serait de donner aux enseignants leur légitimité pédagogique et les placer en position de concepteur dans une perspective d’école inclusive qui saurait faire appel à toutes les bonnes volontés pour un partenariat exceptionnel de réussite et de bonheur d’apprendre.
Prise de parole d’Irène Laloum, responsable Ecole inclusive et handicap de la FCPE Paris à l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés, le 15 octobre 2020.