Confinement et télétravail : comment s’organiser ?

Nelly Magré et Jeanine Roncati, coaches et consultantes, accompagnent depuis huit ans les entreprises, côté salariés ou managers, dans la mise en place du télétravail. Leur livre Le télétravail pour les nuls de la célèbre collection « Pour les nuls – Business» est sorti le 12 mars, le jour même où le chef de l’état a présenté les premières mesures de confinement pour lutter contre la propagation du virus COVID 19. « Un pur hasard » confient les auteurs qui ont commencé le livre il y a plus d’un an : « nous sommes dans une démarche de transmission, nous avons envie de partager des valeurs qui nous tiennent à cœur :  le bien-être des salariés, l’écologie, la prise en compte des attentes des nouvelles générations de salariés, l’évolution des pratiques managériales». Entretien !

Quel est votre regard sur la situation actuelle ?

« Ce qui se met en place, ce n’est absolument pas un télétravail tel que défini dans la loi de 2012 et les ordonnances Macron de 2017, mais plutôt un travail à distance installé dans un contexte d’urgence, avec des managers et des collaborateurs pas forcément motivés pour faire du télétravail, des outils qui ne sont pas forcément au point. Le véritable télétravail, c’est tout l’inverse. Cela suppose le volontariat du salarié, un accompagnement des managers, l’identification précise de tâches pouvant être réalisées en télétravail, la mise à dispositiond’outils performants ». Dans le contexte actuel, ce télétravail forcé peut être extrêmement violent pour les salariés comme pour les managers. Le rôle de ces derniers est essentiel pour maintenir le lien, donner des objectifs, créer les conditions du travail d’équipe, accompagner les collaborateurs en difficulté, contribuer au partage des bonnes pratiques expérimentées chaque jour … »

 Quels conseils pour concilier télétravail et gestion des enfants ?

« Rappelons d’abord que la première mise en garde que nous faisons auprès des salariés qui veulent passer au télétravail est qu’il est illusoire de penser pouvoir travailler chez soi en s’occupant des enfants. Dans le contexte du confinement que nous vivons, nous n’avons pas le choix et il est impératif de s’organiser. Voici donc quelques conseils simples pour cohabiter au mieux pendant cette période exceptionnelle :

Apprendre à gérer son temps

« Quand les enfants sont à la maison, il est nécessaire que les parents prévoient des séquences de travail d’un minimum de 2h. Si les deux parents sont à la maison, un parent travaille pendant que le conjoint s’occupe des enfants.  Dans le cas où le parent est seul, il est nécessaire de réfléchir aux moments où il sera possible de trouver deux heures consécutives pour travailler. S’il ne peut y arriver, il est préférable qu’il renonce à travailler et qu’il se limite à assister aux rendez-vous avec l’équipe.

Lorsque ces 2 heures sont posées, il faut prévoir des activités que les enfants puissent réaliser de manière autonome : lecture, devoirs, films, repos … cela dépend bien sûr de l’âge des enfants.

Il est également important d’ériger des règles de fonctionnement en faisant participer les enfants. Ce point-là est essentiel. Pour que cela marche, le parent ou les parents ne peuvent décider seul.

Et lorsque c’est le moment de vous occupez de vos enfants faites-le vraiment, sans penser au travail !

Bannir la culpabilité

Avec les enfants, il faut accepter l’idée qu’il ne sera pas possible de travailler 7h d’affilée comme au bureau. Classiquement, on observe de la culpabilité chez le salarié en télétravail. Comme il travaille à domicile, il peut avoir l’impression que tout le monde pense qu’il ne fait rien. Ici ce sentiment de culpabilité peut être plus important encore. Si vous ne pouvez dégager que 4h de travail dans la journée, faîtes-les vraiment et ne passez pas les 3h restantes à essayer de travailler et à culpabiliser parce que vous n’y arrivez pas.

Créer son espace bureau même s’il redevient salon une fois que le travail est fini.

Tout le monde n’a pas la possibilité d’avoir une pièce isolée pour travailler. Cependant, au moment de la séquence de travail et même si c’est un tout petit espace, un coin de table, il faut que cet espace devienne un bureau ergonomique et confortable. Autrement dit, on n’est pas au bout de son lit avec l’ordinateur sur les genoux ! Sinon, les problèmes de dos risquent d’arriver à la vitesse grand V !

Fixer des rituels avant de démarrer le travail 

Selon les personnes, ces rituels peuvent varier : prendre sa douche et s’habiller, prendre un petit déjeuner, sortir le chien…. Ces rituels appartiennent à chacun, sont plus ou moins nécessaires mais il est important d’y réfléchir. Cela aide à faire la séparation entre le temps de travail et le temps de repos.

Garder du temps de plaisir personnel pour recharger les batteries

Comme il va falloir tenir sur la durée, il est essentiel de ne pas s’essouffler trop vite. Habituellement, pour garder l’efficacité du télétravail, nous conseillons un ou deux jours maximum de télétravail par semaine. Au-delà, il y a le risque de perdre le contact avec le reste de l’équipe, de l’émergence d’un sentiment d’isolement. Dans la période que nous vivons, il va donc falloir penser aussi à soi, s’obliger à s’arrêter.

A l’issue de la journée, ne pas hésiter à revisiter les règles, toujours en y associant les enfants.”

Que pensez-vous de la continuité pédagogique demandée par le Ministre de l’Education Nationale

“Cela donne une pression pour les familles mais, dans ce temps de confinement, cela permet aussi d’alimenter le temps des enfants. La vacuité c’est aussi terrible pour les plus jeunes. Ces initiatives les maintiennent dans un rythme. La difficulté reste que l’enseignement à distance ne s’improvise pas non plus.”

Pensez-vous que la période que nous vivons aura des impacts durables ?

“C’est certain, mais on ne peut pas dire dans quel sens. L’événement est trop fort pour qu’il ne laisse pas de trace. Il va peut-être y avoir des gens qui vont être dégoûtés à vie du télétravail et d’autres qui, réticents au départ, vont changer d’avis. Les entreprises vont sûrement réfléchir différemment au cas où ce type d’événement revienne. Le mouvement était là, il va s’accélérer.”

Le Télétravail pour les nuls de Nelly MAGRÉ et Jeanine RONCATI

Depuis quelques années, nos façons de travailler connaissent de profondes mutations. Nos modes de vie et nos aspirations personnelles et professionnelles nous encouragent à nous tourner vers le télétravail. Allant plus loin que le travail à distance, celui-ci s’inscrit dans le contrat de travail et nécessite une organisation particulière au sein de l’entreprise pour qu’il soit bénéfique pour tous : managers, télétravailleurs et non-télétravailleurs.