Dédoublement des CP en REP+ : quel impact sur la carte scolaire de la rentrée 2017 à Paris ?

Le 30 juin l’Académie de Paris devra rendre sa copie sur la carte scolaire premier degré pour la rentrée 2017. A Paris comme partout, l’exercice d’ajustement de la carte scolaire travaillée en CDEN en février dernier est rendu particulièrement délicat cette année avec l’obligation de réduction à 12 élèves par classe en CP en REP +. Pour la FCPE, la question est simple : derrière l’effet d’annonce, y aura-t-il des mesures cohérentes et tous les moyens nécessaires pour déployer cette promesse de campagne du président Macron ? Eléments d’information sur le passage au forceps d’une mesure qui conserve malgré tout un angle mort : la qualité de la pédagogie déployée dans ces classes.
Le candidat Macron s’était engagé à réduire à douze le nombre d’élèves dans les classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire pour lutter contre l’échec scolaire et les inégalités ? Le ministre Blanquer va le faire. Et branle-bas de combat à Paris, pour la Ville et l’Académie, afin de trouver les solutions pratiques (les moins pires) pour le dédoublement à la rentrée 2017 de 52 classes de CP en REP +.
Combien de paravents dans les classes parisiennes ?
Questionnée il y a quinze jours par la FCPE Paris sur la disponibilité des salles dans les écoles concernées, la Ville avait indiqué que dans la majorité des cas il serait possible de trouver des locaux disponibles. Comme annoncé par Le Monde daté du 24 juin, sur les 52 classes de CP à dédoubler, 34 devraient être physiquement divisées en deux quand les 18 autres devraient se partager la même salle. Question subsidiaire : la DASCO va-t-elle commander « paravents » et autres cloisons mobiles pour les écoles parisiennes ? Réponse le 30 juin… du moins on l’espère. Le dédoublement concernera à la rentrée 2017 594 élèves parisiens.
La seconde difficulté, qui est un sujet majeur d’inquiétude et de mobilisation pour la FCPE Paris, consistera à trouver les enseignants nécessaires pour mettre face à ces élèves de CP.
Sur tout le territoire, les recteurs puisent dans leur vivier de remplaçants ou remettent en question des ouvertures de classe prévues à la rentrée avec pour conséquence l’augmentation des effectifs dans les classes autres que le CP. Et si le ministre de l’Education assure qu’il n’entend pas « casser le dispositif “plus de maîtres que de classes” », ce sont bel et bien ces enseignants surnuméraires qui sont en première ligne du redéploiement, mettant à mal les premières dynamiques d’établissement et les premiers résultats bénéfiques pour les élèves en situation de vraie fragilité scolaire.
Des mesures d’ajustement de carte scolaire incomplètes
Une semaine avant le groupe de travail du 30 juin, les fédérations de parents et leurs représentants siégeant en CDEN découvrent enfin les documents préparatoires pour l’ajustement de la carte scolaire envisagé par l’Académie de Paris.
Selon les informations données, un certain nombre d’ouvertures revendiquées par les écoles ne sont toujours pas actées tout comme des demandes d’annulation de fermetures actées en février. Comme le décrit le SNUIPP, « la baisse des effectifs de CP en REP+ a pour conséquence l’utilisation de 10 postes normalement dévolus aux ouvertures traditionnelles de postes, et engendre la suppression de 7 postes de “Plus de maîtres que de classes” ».
Voici les mesures proposées au groupe de travail du 30 juin :
— 15 ouvertures de classes : élémentaire 159 avenue Parmentier 10e, élémentaire 20 rue de la Saïda 15e, maternelle 15 bis rue Saint Didier 16e, maternelle 10 rue Boursault 17e, maternelle 141 Bd Mac Donald 19e et 10 ouvertures pour les CP dédoublés en REP+ (2 à Championnet, 1 à Gustave Rouanet, 2 aux Dorléac, 1 à Cheminets, 1 au 40 bis Manin, 2 au 30 bis Manin et 1 au 38 Tourtille) ;
— 6 abandons de fermetures : maternelle Marsoulan 12e, maternelle Domremy 13e, maternelle Ricaut 13e, maternelle Tombe Issoire 14e, maternelle Darius Milhaud 19e, élémentaire 103 av. Gambetta 20e à titre provisoire ;
— 10 fermetures de classe : maternelle 52 rue de Turenne 3e, élémentaire rue Chomel 7e, maternelle Grange Batelière 9e, élémentaire 41 rue Chabrol 10e, maternelle 54 rue Servan 11e, maternelle Lachambaudie 12e, maternelle JB Clément 18e, maternelle 34 rue Manin 19e, maternelle 63 rue Archereau 19e, maternelle 5 rue Général Lassalle 19e
La FCPE en mode alerte
De son côté, la FCPE Paris a mis en place une interface en ligne pour les remontées d’alertes école par école. Elle portera fin juin devant l’Académie toutes les demandes de ses conseils locaux afin de garantir pour chaque élève, chaque classe et chaque école, des conditions d’apprentissage et d’enseignement sereins et de nature à faire progresser l’ensemble des élèves en répondant aux besoins spécifiques de chacun.
La FCPE Paris entend également rappeler qu’il n’est pas envisageable d’amputer les brigades de remplacement en voie de reconstitution depuis l’an dernier seulement, et que tous les dispositifs « plus de maîtres que de classes » doivent pouvoir être maintenus dans toutes les écoles qui en feraient la demande.
La FCPE Paris met également fortement en garde contre les effets délétères d’une sorte d’apartheid pédagogique qui tendrait à développer un projet d’éducation prioritaire centré sur les seuls fondamentaux opérationnels (les fameux « lire, écrire, compter, respecter autrui ») pendant que dans les écoles des autres territoires, l’accès aux autres fondamentaux (ceux qui permettent de comprendre et de penser le monde avec toute sa complexité, de se projeter dans la société…) sera possible.
En effet, sur le site du Ministère, à la question « Pourquoi dédoubler les classes de CP en REP+ ? », la réponse est concise, presque brutale : « Il faut agir à la racine pour combattre la difficulté scolaire, c’est-à-dire dès les premières années des apprentissages fondamentaux (CP et CE1). À la rentrée 2017, le choix est de concentrer l’effort là où c’est le plus nécessaire : dans les classes de CP des REP+. L’objectif global dans lequel s’inscrit cette mesure est “100% de réussite en CP” : garantir, pour chaque élève, l’acquisition des savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter, respecter autrui ».
Comme le suggère Catherine Chabrun, pédagogue et spécialiste des droits de l’enfant, avec « ce retour aux fondamentaux opérationnels (qui) rendrait possible les pratiques pédagogiques idéalisées de l’enseignement de l’École républicaine du 20e siècle », « les inégalités scolaires ont de bons jours devant elles » !
Si le ministère écrit, rouge sur blanc, que « l’enjeu majeur c’est la qualité de la pédagogie déployée dans ces classes », il ne précise ni le détail ni le calendrier du déploiement de cet investissement pédagogique à mener. Il se contente d’annoncer que « les professeurs bénéficieront d’une formation adaptée à ce nouveau contexte d’enseignement. Fin juin, un séminaire national réunissant les Inspecteurs de l’Éducation nationale impliqués permettra de poser les jalons d’une formation solide pour ces professeurs ». A ce jour, pas plus que la qualité émancipatrice de la pédagogie n’est envisagée, la formation adéquate des enseignants n’est proposée. Peut-être aurait-il été utile d’attendre la rentrée 2018 pour consolider conditions d’accueil, concertation avec tous les partenaires éducatifs et surtout formation des enseignants au-delà des vidéos à distance et des slogans à transmission verticale.
Car, comme le rappelait justement Jean-Paul Delahaye il y a quelques jours, en revenant sur l’époque Sarkozy où l’on supprima la formation professionnelle des enseignants en dotant seulement les débutants d’un DVD de prise de fonction, « ce sont les équipes qui ont travaillé à cette régression qui sont aujourd’hui de retour rue de Grenelle ».