Des toilettes scolaires décentes dans tout Paris !

Le 19 novembre, c’était la Journée mondiale des toilettes, organisée pour sensibiliser et réfléchir aux mesures à prendre pour les 2,4 milliards de personnes qui vivent sans toilettes. L’heure pour la FCPE de rappeler une fois de plus que de nombreux élèves ne bénéficient toujours pas en France et à Paris de toilettes scolaires décentes !
Odeur, saleté, déficit d’accessibilité, insuffisance et manque d’intimité des installations : l’état des toilettes scolaires parisiens est souvent déplorable et trop d’élèves renoncent à les utiliser ou s’en plaignent. Avec de nombreuses conséquences sur leur santé et leur bien-être : incontinence urinaire, constipation, douleurs abdominales, chutes, anxiété… Voilà des années que les élèves et les parents parisiens attendent un vrai « Plan Toilettes » digne de ce nom. La FCPE Paris n’a eu de cesse ces dernières années d’interpeller régulièrement la Ville sur ce dossier, sans réponse satisfaisante à ce jour.
Un enjeu majeur de santé publique
Pour sensibiliser l’opinion publique parisienne à cette question et obtenir des travaux de rénovation rapides et de grande ampleur, l’Union locale FCPE du 12e a choisi de tirer la sonnette d’alarme par le biais du Budget participatif 2016 ! Les parents d’élèves ont déposé un projet intitulé « Enfin des toilettes décentes pour tous les élèves du 12e ! ».
Preuve que les Parisiens ont bien compris l’immense enjeu de santé publique que cela représentait, le projet est arrivé en tête des projets lauréats dans le 12e arrondissement ! Il s’agit d’un budget de 975 000 euros.
Pour la FCPE Paris, au-delà de ces actions sur les territoires qui permettent bien sûr d’alerter pouvoirs publics et citoyens sur l’urgence des mesures à prendre, il s’agit de mettre maintenant rapidement en place des mesures complètes à l’échelon de tout le territoire parisien. Ecoles, collèges, lycées doivent être diagnostiqués afin d’envisager des mesures de rénovation complète ou de réaménagement partiel.
Voici ce qu’il faut offrir à tous les élèves parisiens :
– un nombre suffisant de toilettes rapporté au nombre d’élèves global
– des blocs sanitaires filles/garçons séparés
– l’ouverture de toilettes plus proches des salles de classes (dans les étages)
– la mise à disposition de papier hygiénique avec un dévidoir par WC et du savon écologique à chaque point d’eau
– l’installation de sèche-mains électriques, de poubelles et de balayettes
– l’entretien des cuvettes, des abattants et des chasses d’eau – des équipements qui respectent l’intimité (cabines avec verrous « décondamnables », cloisons séparatives)
– des patères pour les vêtements
– des sols antidérapants
– des murs et plafonds lessivables
– un éclairage suffisant à détecteur et une ventilation performante
– des fontaines et lavabos automatisés
– la création de sanitaires pour les personnes handicapées
– des éléments de décoration pour en faire des espaces agréables.
Tous les établissements de Paris doivent être vérifiés et leur équipement rénové. Car beaucoup d’écoles collèges et lycées sont déjà à déclarer en « état d’urgence sanitaire » !
Le problème des toilettes scolaires n’est pas une fatalité : les équipements et les pratiques doivent évoluer, mais commençons déjà par faire les travaux nécessaires dans chaque établissement en écoutant les besoins des usagers !
Des chiffres inquiétants
Le lieu public le plus fréquenté par les enfants est l’école : ils y passent les deux tiers de leur temps éveillé. Il est donc étonnant de découvrir que les études réalisées sur les toilettes, notamment par l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements scolaires (ONS) montrent que plus d’un tiers des élèves ne fréquente pas les toilettes, avec des répercussions sur leur santé.
Les pathologies provoquées par la non-fréquentation des toilettes sont essentiellement urologiques et digestives.
- Du point de vue urologique, ce sont les infections urinaires et l’incontinence urinaire qui sont les plus prégnantes. Le problème est à relier avec la fréquentation scolaire, ainsi que le décrit Michel Averous, uropédiatre. En effet, les consultations pour infections urinaires et vaginales sont plus fréquentes pendant le temps scolaire que pendant les vacances. Alain Pigné, gynécologue spécialiste de l’incontinence urinaire, relie également ce symptôme à la non-fréquentation des toilettes par les jeunes filles dans les établissements scolaires. L’incontinence urinaire est un problème de santé publique, puisque 27,6 % des femmes en souffrent. Elle existe également chez la jeune fille nullipare. Ce spécialiste interpelle les médecins de l’Éducation nationale pour travailler sur l’amélioration du passage aux toilettes.
- Du point de vue digestif, il s’agit surtout de problèmes de douleurs abdominales et de constipation. Ceci est cohérent avec le fait que 84,6 % des élèves ne vont jamais à la selle au collège. Certains d’entre eux produisent même des certificats médicaux justifiant le fait d’aller aux toilettes à l’infirmerie, dans l’intimité, afin de ne pas développer de constipation chronique.
La question « insoluble » du papier toilette
Le manque de papier toilette est un sujet qui revient souvent dans les causes de non-fréquentation des toilettes et donc dans les discussions en conseil d’école et conseil d’administration. Les personnels éducatifs et d’encadrement avancent le fait que le papier sert à une toute autre fonction que celle prévue au départ : des toilettes sont souvent bouchées par des rouleaux, des boulettes de papier sont collées au plafond, etc. C’est pourquoi il est souvent distribué à l’extérieur des toilettes voire carrément supprimé, les élèves n’ayant qu’à venir avec des mouchoirs dans leur proche !
Mais quel adulte accepterait l’absence ou le positionnement d’un distributeur de papier WC hors des WC de son lieu de travail ? C’est une question de décence. Mais aussi bien sûr de surveillance et d’éducation à l’hygiène.
La surveillance des toilettes, un enjeu
La FCPE Paris revient régulièrement avec ses interlocuteurs Ville et et Education nationale sur cette question de la surveillance des toilettes qui n’a pas encore trouvé de solution, faute sans doute de volonté « politique » de se saisir de ce sujet pourtant stratégique.
Dans les écoles maternelles, la surveillance ne pose pas de problème du fait de la présence des ASEM. L’autonomisation des élèves par rapport aux toilettes est l’un des objectifs de la socialisation mise en place à cet âge.
En élémentaire, les problèmes sont différents et l’enjeu est double. Il faut d’abord trouver des solutions pour permettre aux enfants d’aller aux toilettes pendant le temps de cours (actuellement les enseignants hésitent à laisser sortir les enfants de la classe pour des problèmes de responsabilité en cas d’accident). Une solution serait de prévoir des toilettes à proximité de chaque classe, dans les étages. Concernant les temps de récréation, les enseignants et animateurs signalent souvent une mauvaise disposition des blocs sanitaires qui ne permet pas une surveillance efficace et surtout le fait que deux tiers des écoles élémentaires ne mettent pas en place de surveillance spécifique de ces lieux. Une surveillance qui permette le respect de l’intimité des enfants et les temps de service des équipes doit être trouvée.
Dans les collèges et les lycées, le problème de la surveillance est encore plus épineux. Cette surveillance est pourtant cruciale afin d’éviter les phénomènes qui empêchent de nombreux élèves de fréquenter ce lieu : squat de groupes d’élèves, blocage des toilettes pour se servir du téléphone portable dans les collèges où leur utilisation est interdite en récréation, bagarre, consommation de tabac et de produits illicites, actes sexuels.
Plus globalement, une vraie éducation des élèves à l’hygiène et à l’usage citoyen des espaces toilettes doit être mis en place dans toutes les écoles et établissements parisiens. Toutes les études montrent les effets bénéfiques et immédiats d’un tel effort : 40% des établissements secondaires qui ont mis en place des actions pour améliorer l’état et l’usage des toilettes ont vu des résultats positifs en termes de santé et salubrité.
Ne faisons pas de la question des toilettes scolaires un tabou, notre jeunesse mérite mieux que ça !