Devoirs de vacances pour le gouvernement
En principe pendant les longues vacances scolaires d’été, les élèves, leurs parents et leurs professeurs sont censés souffler, se détendre, et envisager ou préparer sereinement la rentrée, ayant obtenu de l’Education nationale toutes les réponses nécessaires avant la sonnerie de la dernière cloche, début juillet. Mais cette année, la pression peine à retomber tant les informations et premières annonces en matière d’éducation ont de quoi surprendre, voire inquiéter. Quelle place pour le dossier et le budget éducation dans la nouvelle politique gouvernementale ? Quels acteurs pour la mettre en œuvre et préparer la rentrée 2017 ? Avec quelle « vision » des enjeux éducatifs pour l’avenir de notre société ? Les réponses au QUIZ EDUC’ estival pourraient bien vous surprendre… ou pas.
Affaire de casting
Mercredi 26 juillet, le président Emmanuel Macron recevra Rihanna, star du R&B, pour parler… éducation. Si la politesse présidentielle est louable — une invitation rapide de la chanteuse qui avait interpellé le 24 juin sur Twitter le nouveau président français en lui demandant si la France allait « s’engager pour le Fonds pour l’Education » dont elle est le porte-voix — nombreux sont les acteurs du monde de l’éducation qui ont, à cette annonce de l’Elysée, moqué les drôles de priorités du chef de l’Etat. En effet, à l’heure actuelle, aucun conseiller éducation n’a encore été nommé à l’Elysée et le poste de directeur.trice de la DGESCO n’a pas encore été pourvu suite au départ de Florence Robine le 5 juillet dernier. Le fait que la Direction générale de l’enseignement scolaire n’ait pas encore retrouvé de chef.fe, c’est-à-dire de numéro 2 pour le ministère, n’est pas tout à fait rassurant, même si les recteurs estiment que la rentrée 2017 est « techniquement » préparée. Si certains « connaisseurs » de la rue de Grenelle s’essaient à des hypothèses, les parents d’élèves de la FCPE préfèrent eux rappeler l’urgence de mettre un pilote dans l’avion et d’en faire un interlocuteur officiel.
Des punchlines trop faciles
Dans un entretien accordé au JDD et publié dimanche 23 juillet, le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer, qui tentait d’expliquer à quoi devait ressembler la rentrée scolaire a livré — avec une très grande transparence, à mettre à son crédit — sa vision de la « chose éducative ». En déclarant « je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s’inspirer du privé » et « le vrai ennemi du service public, c’est l’égalitarisme », il oblige ainsi nombre de parents et d’enseignants à plancher en ce début d’été sur une copie dont le sujet à tiroirs n’a rien de réjouissant : de quoi Blanquer est-il le nom ?
L’égalitarisme est la cible des critiques ministérielles. L’école produirait des élèves formatés ? Pourtant la variété actuelle des enseignements et des options offre une grande diversité des parcours comme des débouchés pour tous les élèves. Le bac pour tous est une illusion ? Pourtant en étiquetant baccalauréat un diplôme aussi bien technique que technologique ou « général », on fait en sorte que chaque élève se présente avec un bagage différent de compétences, de savoirs et de savoir-faire au sein d’une même génération qui entre (ou espère entrer) dans la vie active.
Lorsque le ministre préfère la liberté à l’égalitarisme, comment ne pas y avoir la porte ouverte aux inégalités de fait contre lesquelles on ne souhaite plus lutter ? L’égalitarisme est ainsi présenté comme la volonté autoritaire d’imposer l’égalité au détriment des talents individuels. On peut inversement le voir comme la volonté politique depuis deux siècles de garantir à tous les élèves l’égalité – des chances, des moyens, des débouchés –, libre à eux de tracer leur parcours avec l’appui d’un service public d’orientation de qualité.
Opposer les deux termes donne surtout l’impression que le ministre choisit de défendre la liberté contre l’égalité, au risque d’accepter qu’au nom de la liberté – des établissements, des évaluations – puissent se développer des inégalités. Ou des injustices.
Les non-dits budgétaires
Si le nouveau ministre n’a de cesse de clamer à chaque interview donnée que la question des moyens n’est pas tout, il est beaucoup plus discret sur la question du défi budgétaire que représentent les annonces présidentielles, avec d’un côté l’effort en termes d’économies demandé à chaque ministère et de l’autre le financement des mesures type dédoublement des CP-CE1 en REP et REP+, plan « devoirs faits », la prime aux professeurs de REP +, l’application des accords de revalorisation PPCR, etc. Pour l’instant le premier chiffre annoncé est la baisse de 75 millions du budget de l’Education nationale. Pour la première fois depuis 2012, le budget de l’Education nationale ne sera donc plus sanctuarisé. Dès lors, quelles dépenses éducatives vont être sacrifiées, comment opérer pour tout financer « en interne » ? En guise de devoirs de vacances, la rue de Grenelle se retrouve à l’évidence avec un paquet d’équations très délicates à résoudre. Espérons que les décisions à suivre autour de la réforme du bac ne seront pas seulement prises dans une logique d’austérité, même si un bac réduit à quelques épreuves et la diminution des disciplines enseignées au lycée permettraient de récupérer des moyens importants en diminuant le nombre de postes…
La FCPE n’a eu et n’aura de cesse de le rappeler, quelle que soit la majorité politique en place : l’éducation n’est pas un coût, c’est un investissement pour l’avenir. Et côté devoirs de vacances, notre fédération va elle travailler à pointer toutes les économies qui ne devront pas être faites sur le dos de la réussite, des progrès et du bien-être scolaire de tous les élèves. Elle va également faire chauffer la calculette pour présenter la simulation du budget à prévoir en cas de grave crise des non-remplacements comme ce fut le cas l’an passé. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise vient en effet de condamner l’Etat pour des cours non assurés — un euro par heure de cours perdue — cela va peut-être donner des idées à tous les parents réclamant la réelle continuité du service public d’éducation !