Le droit à l’air pur des petits Parisiens !
Les conséquences gravissimes de l’exposition à la pollution atmosphérique des petits Parisiens sont désormais connues. Etudes et pédiatres sont unanimes : à Paris, la pollution automobile ravage les poumons des plus jeunes et ne rien faire est criminel. Mobilisation citoyenne, responsabilité individuelle, politiques publiques : la santé des enfants et élèves parisiens doit être une priorité pour chacun.
Retrouvez sur ce sujet, disponible ci-dessous à la lecture ou au téléchargement, l’article publié à l’automne 2018 dans la revue de la FCPE Paris “Liaisons Laïques”
Au printemps dernier, en plein débat sur la piétonnisation des berges de Seine, Jocelyne Just, cheffe du service allergologie pédiatrique de l’hôpital Trousseau à Paris 12e, poussait un cri d’alarme au sujet des risques que faisait courir la pollution de l’air aux petits Parisiens : « Toute la littérature scientifique, médicale, en France et à l’étranger le prouve. A Paris, on a suivi des cohortes d’enfants dont l’état sanitaire s’aggrave au fur et à mesure que la pollution augmente. On parle souvent des morts – et il y en a beaucoup – mais on ne parle pas assez des Parisiens qui en souffrent au quotidien, et notamment des enfants » (1). Et la professeure d’insister : « à Paris, la pollution est bien le fait de la voiture et elle touche en premier lieu les enfants (…) Dès la grossesse, on observe chez les mamans vivant à Paris, où la pollution quotidienne dépasse largement les recommandations de l’OMS, une transmission de l’air vicié au fœtus. Les enfants naissent plus petits, avec des poumons plus réduits ». D’où l’augmentation sensible de cas d’enfants asthmatiques dans la capitale et en région parisienne.
Les enfants, plus exposés et plus sensibles aux particules toxiques
Si nous sommes tous fragilisés par la pollution de l’air, les enfants en sont indiscutablement les premières victimes, comme le révèle une étude réalisée par l’ONG Deutsche Umwelthilfe (2), publiée début octobre 2018. Selon les calculs, ils seraient jusqu’à 37% plus exposés que les adultes à cette pollution atmosphérique. En cause ? La pollution de l’air par le dioxyde d’azote (NO2). Du fait de son trafic routier, Paris rejette à elle seule en moyenne 49,56 µg/m3 de dioxyde d’azote par an, soit davantage que la limite légale de l’Union européenne. Avec quelles conséquences ? Le dioxyde d’azote (NO2), qui provient principalement des moteurs diesel, est émis près du sol et a donc plus d’impact sur les enfants que sur les adultes. Mais au-delà de la simple question de physique, ce sont les graves effets sur la santé des enfants qu’il faut regarder en face. Et relever de 40 cm le siège d’une poussette n’y changera rien.
Retards de croissance, asthme et eczéma
« Des études ont montré des retards de croissance liés à la pollution chez le fœtus et des risques plus accrus chez l’enfant de maladies respiratoires chroniques car leur appareil respiratoire est en plein développement » souligne Gilles Dixsaut, médecin et président du comité francilien contre les maladies respiratoires. Une étude de l’Inserm sur l’exposition aux particules toxiques au cours des premiers stades du développement, publiée dans la revue Archives de Pédiatrie en mai 2018 (3), souligne qu’un enfant hypotrophe sur quatre à cause de la pollution aura des retards moteurs ou intellectuels de développement. L’étude estimant d’ailleurs le coût de prise en charge de ces enfants sur l’ensemble de leur vie à 1,2 milliard d’euros. Autant d’argent qui pourrait être mieux investi, en amont, dans la lutte contre la pollution… En 2007 déjà, une étude réalisée dans six villes françaises sur près de 8000 enfants avait pointé l’effet de la pollution sur le développement de l’asthme et des allergies. Quant à l’Association Santé Environnement France (4), elle rappelle que les enfants résidant depuis huit ans dans des zones à pollution élevée ont 3 fois plus d’eczéma, 1,5 fois plus d’asthme et presque 3 fois plus d’asthme à l’effort. En septembre 2018, l’Asef tirait la sonnette d’alarme sur l’interaction entre les gênes du fœtus et son environnement dans l’utérus qui va favoriser l’expression ultérieure de certaines maladies, ce qu’on appelle l’épigénétique. Car l’exposition aux polluants atmosphériques va modifier l’expression de certains gênes et induire non seulement de l’asthme mais aussi de l’autisme voire même certains cancers.
Avis enfin aux jeunes parents : les enfants de moins de 4 ans qui habitent à proximité de routes à fort trafic ont non seulement un risque accru de développer de l’asthme et d’avoir des infections ORL mais ils seraient aussi plus sensibles aux allergènes alimentaires.
Planquer nos enfants ou leur offrir de l’air pur ?
En cas de pic de pollution, le ministère de la santé recommande aux femmes enceintes, aux parents de nourrissons et d’enfants en bas âge de privilégier des sorties plus brèves demandant le moins d’efforts possible. En juin 2018, Greenpeace pointait du doigt les risques liés à la pratique sportive dans un environnement pollué. Et ces dernières années, des recommandations émanant de la Ville comme de l’Académie ont surgi, sans systématisation ni grande publicité toutefois, invitant les personnels éducatifs à réduire ou adapter la pratique sportive des élèves les jours de pics de pollution, sur les temps scolaire et périscolaire. Autrement dit, suspendre ou pratiquer le sport à l’intérieur.
Mais avec la multiplication des pics de pollution et surtout les études qui montrent que la qualité de l’air n’est pas forcément meilleure à l’intérieur, quel futur voulons-nous dessiner pour nos enfants et élèves parisiens ? Résolument un Paris respirable où pratiquer du sport à l’envi, où jouer et sauter dans des cours de récréation végétalisées et des jardins publics sans espèces allergisantes !
En effet, le cocktail détonnant pour les petits Parisiens c’est « pollution automobile et pollen », qui déclenche de nombreux cas de détresse respiratoire. La professeure Jocelyne Just le confirme : à Paris, quand la pollinisation du bouleau s’additionne à l’air pollué, les poumons trinquent. Replantée en masse dans la région après la tempête de 1999, cette espèce d’arbres se révèle nocive quand elle rencontre la pollution. Au printemps, la pollution rend le pollen plus allergisant, créant de nouvelles formes d’allergies, respiratoires, mais aussi alimentaires et cutanées.
La santé des jeunes générations avant tout
La réduction de la place de la voiture dans Paris, priorité et combat de la Maire de Paris Anne Hidalgo, est sans nul doute le premier levier pour réduire la pollution atmosphérique qui empoisonne nos enfants. La preuve de l’impact de la voiture sur la qualité de l’air : lors de la journée sans voiture, le 16 septembre dernier, un recul de 28 à 35% du dioxyde d’azote (NO2) dans l’air a été observé par Airparif.
Si Paris se trouve actuellement à un tournant de son histoire en matière de lutte contre la pollution et d’engagement pour le climat, nous, parents FCPE soucieux du bien-être global des enfants-élèves, devons porter haut et fort notre revendication citoyenne pour les générations futures : leur offrir le “droit à un air pur”.
Notes
(1) Voir la vidéo “Fermons les voies sur berge à Paris pour protéger les enfants de la pollution” (L’Obs, 10 mars 2018) https://www.nouvelobs.com/planete/20180309.OBS3368/video-fermons-les-voies-sur-berge-a-paris-pour-proteger-les-enfants-de-la-pollution.html
(3) Pollution atmosphérique en France, un impact sur la santé du fœtus et un coût de 1.2 milliard d’euros pour la société, Inserm, 15 mai 2018 https://presse.inserm.fr/pollution-atmospherique-en-france-un-impact-sur-la-sante-du-foetus-et-un-cout-de-1-2-milliards-deuros-pour-la-societe/31319/
(4) 19 septembre 2018 : 4e journée des la qualité de l’air – Le cri des médecins http://www.asef-asso.fr/actualite/communiques-de-presse/communique-de-presse-19-septembre-2018-4eme-journee-de-la-qualite-de-lair-le-cri-des-medecins/?back=ok&filter=0
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La famille Plume se rend sur Bitumia, une planète où l’atmosphère est très polluée car les habitants utilisent sans cesse leur voiture. Sur cette planète les gens vivent dans leur voiture, ils y dorment, ils y mangent… il y a des voituromaisons, des voiturotels, ou encore un voituromarché. Mais, les gens ne se parlent plus. La pollution les obligent à surveiller en permanence leur santé et à réduire au maximum le sport. Pas étonnant qu’ils ne puissent plus mettre le nez dehors. Ne devraient-ils pas se déplacer le plus souvent à pied pour respirer à nouveau l’air pur ? Mais c’est sans compter sur les effets nocifs produits sur leur environnement par les gaz d’échappement. Les enfants Plume adorent les éclairs au goudron. Mais ils aiment moins les pics de pollution, qui les obligent à porter une combinalerte. A la fin du roman, un quiz constitue une aide pédagogique pour faire le parallèle avec ce qui se passe vraiment sur Terre.
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Dans ce conte philosophique et écologique qui se passe dans un monde futur, les hommes vivent dans de grandes tours, et sortent très peu dehors, sur une terre polluée. Au collège, notre jeune narrateur fait la connaissance de Céleste. Atteinte d’une mystérieuse maladie, elle est victime de la pollution de la planète : les taches sur son corps représentent en effet les contours des pays ou continents les plus atteints. Doit-il alerter toute la population pour l’inciter à de nouveaux comportements, ou peut-il, seul, sauver la jeune fille ?