La FCPE face au ministère sur la réforme du lycée et de la voie professionnelle
Dans sa déclaration liminaire au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) du mercredi 10 octobre 2018, la FCPE a tenu à rappeler avec la plus grande détermination ses positions quant à la réforme du lycée et l’avenir de la voie professionnelle. La FCPE porte l’idée que celle-ci est une voie de réussite qui doit être choisie et donc clairement explicitée aux jeunes. Elle a rappelé ses exigences sur l’orientation choisie et les moyens que le ministère doit y consacrer pour sortir de l’hypocrisie et du mépris de la jeunesse, principalement sur le dossier de l’apprentissage qui, tel qu’il se dessine, comporte tous les ferments d’une véritable précarisation des jeunes et surtout des mineurs.
Voici le texte de la déclaration :
“Vous n’êtes pas sans savoir que la FCPE revendique un lycée unique, un réel lycée polyvalent où il n’existe plus de séparation entre des voies générales, technologiques et professionnelles, un lycée modulaire qui permette aux jeunes de construire leur parcours, avec une adaptation des pratiques pédagogiques au profil de chaque élève. Nous savons que cela n’est pas le cas, puisque nous travaillons dans cette instance même, les deux réformes distinctement, sans que pour le moment nous ne voyons apparaître la moindre transversalité.
Pour autant l’Etat se doit d’avoir des exigences pour la jeunesse dans leurs parcours d’éducation et de formation qui les conduisent à véritablement construire leur devenir citoyen comme professionnel, et ceci en leur permettant de pouvoir se former tout au long de leur vie.
Aujourd’hui les deux premiers textes de la réforme pour la voie professionnelle sont présentés dans cette instance consultative. Les restrictions apportées par l’article 5 sur le volume maximal hebdomadaire comme journalier répondent à ce que la FCPE demande depuis longtemps pour la jeunesse dans le respect de ses rythmes, tant d’apprentissage que de vie. Les amendements proposés en complément pour rehausser le volume horaire des enseignements généraux, de la LVB et des heures complémentaires sont un bon signal pour répondre à la double mission de l’enseignement professionnel. Ce temps dégagé aux élèves doit pouvoir permettre l’engagement dans la vie de l’établissement, dans ses instances mais également dans une vie associative ou des parcours de découverte. Il doit ainsi être dégagé des moyens, comme il doit être pris en compte que l’apprentissage des langues participe à la mobilité des élèves, qu’elle soit personnelle ou professionnelle. La FCPE plaide également pour l’introduction de la démarche philosophique, aux travers de méthodes actives qui participent à la construction de l’esprit critique, à l’apprentissage du débat contradictoire et ainsi à l’accomplissement de la citoyenneté des élèves.
Pour la FCPE, la co-intervention répond à une nécessité de mieux accompagner les jeunes en difficulté et défavorisés. En l’occurrence les mathématiques et le français participent au quotidien d’un futur salarié et d’un futur citoyen. Ancrer l’apprentissage de ces disciplines à des enseignements professionnels peut permettre à de nombreux jeunes, souvent orientés par défaut dans cette voie ou en situation d’échec dans leur parcours, à se réapproprier ces matières et en jauger la portée concrète. Nous faisons un parallèle entre le principe de co-intervention proposé dans ce texte et le dispositif « plus de maîtres que de classes » ou encore la mise en place des EPI au collège. Mais pour que la co- intervention puisse pleinement profiter aux élèves, il est essentiel que les enseignants puissent avoir le temps de se retrouver et préparer ensemble ces séquences, que la formation initiale comme continue des enseignants apportent des éléments sur la co-animation et sur la transdisciplinarité.
La FCPE souhaite partager ses inquiétudes, à défaut d’avoir plus d’information, pour les futurs lycéens professionnels dans leurs parcours. En effet, chaque fin d’année, le lycéen devrait faire des choix qui
peuvent induire une pression, d’autant plus si son projet professionnel n’est pas construit ou si il se retrouve dans une filière par défaut. Par ce texte proposé en séance, nous devons nous positionner sur des contenus dans nous ne connaissons nullement les contours. Quels contenus se cachent derrière le module « insertion professionnelle » ? Ou bien encore derrière le module « poursuite d’études » ? Enfin comment les jeunes pourront exercer leur droit à l’erreur entre ces deux modules, entre deux familles de métiers ? La FCPE porte l’idée que la voie professionnelle est une voie de réussite, mais si elle doit être choisie et ainsi clairement explicitée aux jeunes.
La FCPE défend le principe d’une orientation choisie par les jeunes et leur famille parce qu’il n’est plus possible de déposséder les élèves des choix qui les concernent en premier lieu et qui déterminent une part de leur avenir. L’enjeu de l’orientation choisie n’est pas tant de savoir qui a le dernier mot, mais de s’assurer que les jeunes ont eu les moyens, de construire leur parcours notamment par une information et un accompagnement de qualité, de se projeter dans une diversité de possibles et d’apprendre à faire des choix. Cet objectif ne pourra être atteint qu’à travers une politique publique ambitieuse en la matière.
Cette proposition de loi se lie très étroitement à la réforme de l’apprentissage et à celle de la liberté de choisir son avenir professionnel. Or, nous nourrissons de nombreuses inquiétudes sur l’avenir du service public d’orientation. Démantèlement du réseau ONISEP, réduction du nombre de CIO, manque de psyEN (…) autant de moyens et de supports qui manqueront aux jeunes pour construire leurs avenirs. A l’heure ou le choix est présenté comme primordial dans le projet de l’élève c’est le contraire qui se construit sur le territoire.
Le rôle renforcé des régions, les moyens engagés pour développer des campus des métiers, la place plus grande que vont prendre les branches professionnelles dans la construction des référentiels et l’élaboration des diplômes (…), nous font craindre un renforcement des inégalités territoriales. Certes, si nous connaissons l’hyper spécialisation de certains territoires et la dynamique et l’attractivité associées, la FCPE demeure vigilante sur deux points :
– à ce que les jeunes puissent choisir le métier qui leur plaît, et qu’à défaut de rester sur leur territoire, la mobilité puisse être véritablement accompagnée, et sans coûts prohibitifs.
– Que soit construite une offre de formations professionnelles sur le territoire suffisamment diversifiée, limitant également les propositions adéquationnistes afin qu’il existe un nombre suffisant de places pour répondre aux expressions des choix des élèves et leurs familles.
Pour la FCPE, il est essentiel que l’ensemble du territoire puisse être maillé d’établissements publics et éviter de trop forts effets de concentration, autour des campus, qui pourraient oublier des établissements isolés.
De la même manière, l’apprentissage est très fortement porté par ces réformes et nous fait craindre des orientations très précoces, et pas toujours choisies pour l’immense majorité des élèves, et surtout nous craignions une véritable précarisation des jeunes et surtout des mineurs. Pour la FCPE, le statut d’élève protège le jeune, l’apprentissage pour les mineurs peut être une voie de réussite mais cela n’est en aucun la norme vers laquelle il faut tendre. Un jeune sous statut scolaire peut légitimement et sans risque pour sa poursuite d’études, faire des stages dans différentes entreprises ; ce qui lui permet de vivre différentes expériences, de découvrir pour un même métier différents modes d’encadrement, de procédures mais également de multiplier les interlocuteurs, dans la constitution d’un réseau professionnel futur. Avec l’ensemble de propositions qui assouplissent la création des CFA, nous craignons, selon les territoires de nombreuses sorties des élèves du système scolaire. Certes, ils « seraient ailleurs » ? Mais quel sera le prix à payer pour les familles ? Que se passera-t-il pour ces jeunes qui certainement, plus tard, auront des désirs de métiers ou de formations qui ne seront peut- être pas ceux vers lesquels ils ont été orientés ?”