Le ministre Blanquer veut mettre le pro au boulot
En visite au lycée hôtelier Guillaume Tirel dans le 14e arrondissement de Paris le 7 septembre, le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer avait une mission : convaincre de la priorité à la revalorisation de l’enseignement professionnel. Au final, et entre les lignes, cette visite a surtout dessiné une priorité donnée à l’insertion plutôt qu’à la poursuite d’études, c’est-à-dire une priorité au travail plutôt qu’à l’éducation.
En mai 2016, dans son rapport intitulé « Orientation, formations, insertion : quel avenir pour l’enseignement professionnel » le CNESCO détaillait une situation alarmante pour le Pro : pénurie d’enseignants, concentration des difficultés scolaires comme des inégalités sociales et de genre, inflation des diplômes… L’enseignement professionnel y faisait à juste titre figure d’oublié de l’Education nationale, ce que ne cessait de dénoncer la FCPE.
Ce « rapport électrochoc » avait conduit l’ancien gouvernement et la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem à prendre enfin des mesures : 2000 places ouvertes en STS chaque année durant 5 ans à partir de 2017, 1200 nouveaux emplois à la rentrée 2017, 500 nouvelles filières créées en LP dans des métiers d’avenir, mise en place d’une période d’essai en LP pour lutter contre l’orientation subie, etc.
Mais surtout, François Hollande avait fixé un objectif de 60% d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur à l’horizon 2025 – contre 42% aujourd’hui. Et les bacheliers professionnels (30% des bacheliers) étaient censés nourrir cet objectif par la poursuite d’études, volonté forte et croissante chez ces jeunes dont témoignent toutes les études récentes.
60% d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur ? Ce n’est plus la priorité
Mais pour Jean-Michel Blanquer, l’objectif de 60% d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur « n’est pas ce qui compte ». Objectif qui avait été pourtant recommandé par le rapport de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur (Stranes).
Il milite plutôt pour leur insertion professionnelle : « Il faut d’abord rappeler la vocation d’insertion professionnelle du bac pro, a fortiori dans des domaines où il y a beaucoup d’embauches », a-t-il affirmé jeudi au lycée Tirel où il était venu en compagnie de sa collègue ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
S’il a souligné que «pour un certain nombre de bacs pro qui veulent poursuivre leurs études, il faut évidemment encourager le BTS, et développer des places, notamment dans les domaines où il y a de l’embauche » ; Muriel Pénicaud a toutefois vite contrebalancé en évoquant « les perspectives d’embauche immédiates » de certaines formations.
Pour Jean-Michel Blanquer, « l’apprentissage et la voie professionnelle sont des domaines d’excellence dont il faut faire la promotion » et effectivement le 7 septembre la ministre du Travail est venue vanter l’apprentissage : « La croissance repart et je vois tous les jours des professionnels qui cherchent des jeunes qualifiés ». Et de marteler : « Il ne faut pas hésiter dans les familles à se dire que l’apprentissage et l’alternance sont des voies qui ouvrent sur plein de possibilités et beaucoup de parcours… Il y a des dizaines de milliers de places en apprentissage ». Comme le rappelle utilement le Café pédagogique, « il s’agit là d’une affirmation bien osée. Seul l’apprentissage dans le supérieur connait une croissance. Au niveau CAP le nombre d’apprentis est passé de 245 000 à 160 000 depuis 2000 alors que dans le supérieur il est passé de 40 000 à 140 000 ».
Aucune garantie sur le volet Education
Le Ministre ne confirme pas l’objectif de 2000 nouvelles places de BTS créées par an. « On précisera les chiffres en regardant ce qui se passe dans les secteurs où il y a de l’embauche ». Le risque est donc réel d’une réduction de l’accès des bacheliers professionnels dans le supérieur, voire d’une logique de « circuit court » pour ces bacheliers pro.
En effet, début juillet, le Premier ministre qui affirmait une « ambition forte » pour la filière professionnelle, prônant des liens « resserrés » entre le lycée professionnel et le monde de l’entreprise, s’était déclaré en faveur de « diplômes de qualification à bac+1 » après le baccalauréat professionnel.
A l’issue de la visite des deux ministres au lycée Tirel, l’impression générale est que le gouvernement privilégie l’inclusion professionnelle, même à bas niveau, sur la poursuite d’études. Pas vraiment raccord avec le souci de la liberté de choix individuel défendue par le président Macron, non ?