Le sexisme chez les jeunes : leur en parler pour mieux lutter contre

Ce dimanche 29 octobre, des rassemblements “#MeToo dans la vraie vie” sont organisés partout en France contre le sexisme, le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes. Pour mieux combattre ces phénomènes, ne jamais les banaliser et libérer la parole, il faut sensibiliser et informer les plus jeunes pour leur faire prendre conscience de l’existence du sexisme dans leur vie et dans leur environnement tout en les amenant à développer leur sens critique à l’égard des stéréotypes sexuels.
A l’adolescence, les jeunes sont en pleine quête identitaire. Ils cherchent à affirmer leur identité en tant que garçons ou filles, ce qui peut parfois passer par l’adhésion à des stéréotypes sexuels et sexistes. Il est fondamental de trouver les moyens, à la maison comme à l’école, d’évoquer les enjeux de l’égalité des sexes, de définir avec des mots compréhensibles par eux les concepts de « sexisme » et de « stéréotypes sexuels », de mettre en évidence avec eux les différentes formes de manifestation du sexisme chez les jeunes, puis de lister des exemples de conséquences des stéréotypes sexuels, pour les filles et comme pour les garçons.
Il faut trouver les moyens de favoriser une socialisation non stéréotypée chez les jeunes. L’éducation à la sexualité — qui n’est toujours pas mise en œuvre dans les établissements comme elle le devrait (voir infra notre article dans Liaisons Laïques n°322) — s’avère pourtant un moyen tout indiqué d’y parvenir, d’autant plus que le but poursuivi cadre parfaitement avec la mission de socialisation de l’école. Tous les éducateurs devraient mieux s’emparer et se préoccuper de l’égalité entre les sexes pour que tous les jeunes grandissent aussi avec cette conviction et agissent en conséquence.
Sexisme, stéréotypes sexuels : qu’est-ce que c’est exactement ?
Le sexisme peut être défini comme un processus discriminatoire par lequel on associe des caractéristiques personnelles et des rôles sociaux spécifiques, de façon arbitraire, rigide, restrictive et répétée, à l’endroit d’un sexe et non de l’autre. Le sexisme tend à diviser les hommes et les femmes selon deux catégories distinctes en fonction des stéréotypes sexuels que véhicule la société, limitant ainsi le développement de l’individu sur tous les plans : personnel, affectif, professionnel et social. Si le sexisme désavantage très souvent les filles, il crée un sentiment d’aliénation chez les individus des deux sexes. Le sexisme est le processus par lequel des caractéristiques rigides sont attribuées aux hommes et aux femmes ayant pour effet de les camper dans des rôles réducteurs qui sont discriminatoires.
Les stéréotypes sexuels constituent des jugements, des sentiments, des opinions ou des images simplifiés et déformés concernant des conduites d’une personne selon son sexe. Leur caractère réducteur a pour effet d’éliminer les nuances, d’amplifier les différences entre les garçons et les filles et d’attribuer une image générale à toutes les personnes de même sexe.
Voici quelques exemples de stéréotypes sexuels associés aux garçons :
Ils s’intéressent énormément à la sexualité
Ils peuvent séduire n’importe quelle fille
Ils n’expriment pas leurs émotions
Ils sont agressifs
Ils sont indépendants
Ils aiment le sport
Ils utilisent leur leadership et leur sens des affaires pour réussir dans la vie
Et ceux associés aux filles :
Elles s’intéressent moins à la sexualité que les garçons
Elles doivent se faire désirer par les garçons en étant belles et sexy
Elles sont émotives
Elles ne sont pas agressives, elles sont douces
Elles ont besoin d’un garçon dans leur vie
Elles aiment la mode et les arts
Elles utilisent leur apparence et la sexualité pour réussir dans la vie
Comment le sexisme se manifeste-t-il chez les adolescents ?
Depuis plusieurs années, spécialistes de l’éducation, associations et chercheurs s’intéressent aux phénomènes de l’hypersexualisation et de la sexualisation précoce chez les adolescents. Les stéréotypes sexuels sont très présents dans les médias auxquels s’intéressent les jeunes, ils baignent ainsi dans une société où ils sont facilement placés, très tôt dans leur vie, devant les stéréotypes sexuels et ils ont tendance à s’y conformer. Il y a aussi le poids des stéréotypes entretenus dans la sphère familiale, pas toujours différents de ceux véhiculés par les médias.
Les manifestations du sexisme chez les jeunes prennent principalement trois formes, liées les unes aux autres : l’adhésion aux stéréotypes sexuels et le fait de tenir des propos sexistes ; l’adoption d’un « double standard » dans le domaine de la sexualité ; l’expérience de harcèlement sexiste.
Les jeunes ont tendance à adhérer aux stéréotypes sexuels et à avoir des propos sexistes à l’endroit de leurs pairs. Diverses études montrent que les représentations de la masculinité et de la féminité chez les adolescents sont stéréotypées : les notions de violence, de virilité et d’intérêt prononcé pour la sexualité sont généralement attribuées aux garçons, alors qu’il est plutôt question de vulnérabilité, d’apparence physique, de douceur et de romantisme pour décrire les filles. Les garçons ont la réputation de tous recourir à des stéréotypes sexuels, sexistes et hétérosexistes tels que celui de faire référence aux femmes en tant qu’objets sexuels, notamment en utilisant des termes dévalorisants (« salope », « conne » et « pute », par exemple) ou en faisant des remarques sur leur corps. Leur conception de l’homme idéal renvoie à des stéréotypes sexuels associés notamment à la virilité.
Les adolescents ont généralement un jugement beaucoup plus sévère envers les filles qu’envers les garçons. Ainsi, l’habillement sexy de certaines d’entre elles fait réagir fortement les jeunes, surtout les autres filles – qui « passent assez vite de la description du vêtement au jugement de valeurs » et les désignent comme des « filles faciles », des « putes », etc. Si la fille qui porte des vêtements sexy est critiquée par ses pairs, le garçon qui en fait autant est plutôt bien vu puisque ces mêmes pairs considèrent qu’il est bien habillé, qu’il a de la classe. Ce « double standard » se retrouve dans les perceptions des jeunes à l’égard des comportements sexuels des filles et des garçons : les filles affichant une sexualité active et assumée seront souvent jugées de façon négative et les garçons, beaucoup moins durement.
Les expériences de harcèlement sexiste, également appelé attaque sexiste, se révèlent assez fréquentes chez les adolescents et les jeunes adultes. L’un des principaux problèmes du harcèlement sexiste réside dans le fait que ses manifestations sont très souvent prises à la légère par les jeunes : l’attaque sexiste est perçue comme une « taquinerie », une manière d’entrer en relation avec l’autre. Notons aussi combien on considère comme étant plus grave l’attaque sexiste commise par les garçons à l’endroit des filles que l’inverse, c’est-à-dire celle que les filles portent aux garçons alors que les deux cas de figure sont tout aussi inacceptables.
Bien mesurer et expliquer les conséquences
On ne le redira jamais assez à nos jeunes : le sexisme, en plus de limiter le développement de l’individu sur tous les plans – personnel, affectif, professionnel et social –, crée un sentiment d’aliénation chez les personnes des deux sexes. Puisqu’il prend racine dans les stéréotypes sexuels, il divise les rôles, les habiletés, les champs d’intérêt et les comportements selon les sexes, cantonnant ainsi les garçons comme les filles à l’intérieur d’espaces clos qui entravent leur développement en tant qu’individus. Quant aux stéréotypes eux-mêmes, ils s’avèrent préjudiciables en ce sens qu’ils peuvent faire naître un sentiment de non-conformité chez les personnes n’y correspondant pas. Prenons, par exemple, le stéréotype sexuel voulant que les garçons n’expriment pas leurs émotions. À force d’être véhiculé par la société, il devient, en quelque sorte, un critère de la masculinité même si, dans les faits, de nombreux garçons sont émotifs. Par conséquent, il pourrait amener ces derniers à se sentir différents ou moins masculins et encourager les autres à les stigmatiser pour ces raisons.
La personne considérée sous l’angle d’un stéréotype par ses pairs peut voir son comportement interprété uniquement sous cet angle, au détriment de ses caractéristiques individuelles, et finir par adopter un comportement conforme au stéréotype en question même s’il va à l’encontre de sa réelle personnalité. Prenons l’exemple d’un adolescent passionné par la danse. Ses amis, sa famille, ses enseignants ou des médias l’obligeront probablement un jour à faire face au stéréotype sexuel selon lequel les « vrais gars » pratiquent de « vrais » sports comme le football ou le judo, et non la danse. Ce jeune pourrait alors ressentir le poids du stéréotype à un point tel qu’il remettra en question son désir de pratiquer la danse et y renoncera finalement, non pas par désintérêt, mais pour ne plus être l’objet de railleries. Ce principe, appelé « la menace du stéréotype » renvoie au sentiment de non-conformité et peut faire des ravages à l’adolescence, entraînant souffrances intimes et surtout perpétuation des stéréotypes et de l’inégalité entre les sexes.