L’enseignement catholique sera-t-il le principal bénéficiaire de la réforme de l’éducation prioritaire ?

La réforme de l’éducation prioritaire annoncée par Jean-Michel Blanquer pourrait une nouvelle fois transférer une partie des budgets de l’Éducation nationale vers l’enseignement privé, catholique en particulier, au détriment des écoles et collèges des banlieues urbaines, qui, pourtant, en ont plus que jamais besoin.
L’éducation prioritaire en ligne de mire du ministre de l’Éducation nationale
Depuis 2017, plusieurs rapports remettent en cause le principe des Rep et Rep + (réseau éducation prioritaire), dispositifs destinés à compenser, dans une certaine mesure, la concentration sur certains territoires des populations les plus défavorisées – principalement les banlieues des grandes villes.
Le ministre de l’Education nationale a confirmé son intention de modifier ces dispositifs, qui concernent actuellement 1,7 million d’élèves, avec un budget de 1,4 milliard d’euros. Dès la rentrée 2021, les Rep pourraient être supprimées, et leur budget réattribué aux Académies. Les recteurs pourront alors affecter ces moyens aux établissements de leur choix, les critères sociaux passant au second plan.
L’objectif est clairement de favoriser des écoles et des collèges ruraux isolés au détriment des banlieues urbaines, où les enfants issus de milieux défavorisés sont pourtant bien plus nombreux, et où le décrochage scolaire a été accentué par le confinement prolongé.
Les écoles « privées » en quête de toujours plus de financements publics
L’enseignement catholique (qui représente l’essentiel de l’enseignement privé) compte bien capter une partie de ces transferts de budgets. Les écoles et collèges catholiques sont en effet particulièrement présents dans les zones rurales (Ouest et Massif central). Le secrétaire général de l’enseignement catholique a déjà confirmé qu’il avait « l’accord » du ministre de l’Education nationale pour en bénéficier.
L’obligation scolaire à 3 ans a déjà eu pour principale conséquence un poids économique non négligeable pour les communes, puisqu’elles doivent désormais financer les maternelles privées (locaux, personnels d’entretien…), comme elles le faisaient déjà pour les maternelles publiques : ce surcoût représente entre 50 et 150 millions d’euros.
L’enseignement catholique réclame également la possibilité de bénéficier du soutien à la restauration scolaire développé par les collectivités locales et l’État.
L’enseignement privé est pourtant loin d’être le champion de la mixité sociale
Si le secrétaire général de l’enseignement catholique assure qu’il poursuit une « politique en faveur d’une plus grande mixité sociale et scolaire », force est de constater que pour l’instant, le compte n’y est pas, pas du tout : rappelons qu’à Paris, les collèges publics comptent dans leurs rangs 24 % d’élèves défavorisés, tandis qu’ils ne sont que 4 % dans le privé.
Bénéficiant de financements publics alors qu’ils ne se soumettent pas aux obligations de recrutement de type Affelnet, les écoles, collèges et lycées catholiques renforcent la ghettoïsation et le « séparatisme » dénoncé actuellement par Emmanuel Macron. Le secrétaire général de l’enseignement catholique précise d’ailleurs qu’il est contre l’application de quotas de boursiers comme pour le public, afin de « conserver sa liberté ». Cette philosophie rappelle étrangement un proverbe bien connu, qui évoque le beurre, l’argent du beurre et, pour le coup, le sourire du ministre de l’Education nationale….