Loi Blanquer : le compromis qui met l’Ecole de l’émancipation à terre
Ce 13 juin marquera une étape dans la casse indigne du service public d’éducation français. La commission mixte paritaire qui a examiné la loi Blanquer et ses deux copies différentes sorties de l’Assemblée nationale et du Sénat, vient d’aboutir à un consensus coupable. Coupable d’entériner une vision néo-libérale de l’Ecole. Coupable de renoncer à une Ecole porteuse de justice sociale et d’émancipation. Coupable d’avoir méprisé depuis des mois tout dialogue social avec la communauté éducative dans son ensemble, coupable de tant d’aveuglement face aux besoins des premiers concernés : les élèves.
De sa préparation dans les couloirs du ministère à son examen à l’Assemblée en février jusqu’à son adoption au Sénat en mai, la loi Blanquer n’illusionne que ceux qui n’ont pas le courage — ou l’honnêteté — de lire entre les lignes, de mettre bout à bout toutes les pièces du puzzle.
L’alliance « droitière » Républicains et LREM au sein de la commission mixte paritaire réunie ce 13 juin vient de valider les choix idéologiques d’un ministre qui déroule, depuis son arrivée rue de Grenelle, des réformes éducatives dangereuses en ce qu’elles légitiment une différenciation compétitive de l’offre scolaire qui finira par aggraver le séparatisme social et culturel. Et les maigres reculs concédés (EPSF, pouvoir hiérarchique du directeur d’école, annualisation des services enseignants, formation obligatoire sur temps libre, allocations familiales supprimées aux parents d’enfants absentéistes, interdiction du port de signes religieux pour les parents accompagnateurs de sorties scolaires) ne suffisent en aucun cas à faire de cette loi une bonne loi.
Depuis des mois, comme à la FCPE Paris, les voix s’élèvent pour lancer l’alerte sur ce qui ne peut pas « donner confiance ».
Nous parents, refusons d’avoir confiance dans des politiques éducatives qui assument la sélection et dessinent une Ecole de la République à plusieurs vitesses, préfigurant ainsi des destins scolaires figés et des plafonds de verre pour tant de jeunes dans leur vie future.
Nous parents, refusons d’avoir confiance dans l’argument de la lutte contre la baisse inexorable du niveau scolaire convoqué pour accroître la pression scolaire au détriment du bien-être dans les apprentissages.
Nous parents, refusons d’avoir confiance dans la logique de rentabilité qui oublie que l’éducation est avant tout un investissement pour répondre aux défis sociaux, culturels et environnementaux des générations futures.
Nous parents, refusons d’avoir confiance dans une vision de l’Ecole qui pense la transmission des savoirs sans la pédagogie et qui liquide la visée émancipatrice de l’acte éducatif en renonçant à former les enseignants.
Nous parents, refusons d’avoir confiance dans un personnel politique qui refuse le dialogue social éducatif, les vraies dynamiques de débats, d’implication et de co-construction mobilisant l’ensemble de la communauté éducative.
Nous sommes nombreux à avoir le sentiment d’avoir passé une année à défendre le service public d’éducation. Une année « de plus » ? Non, une année « cruciale ». Une année-tournant. Une année en apnée dans l’Ecole de la République à tenter de contrer l’entreprise Blanquer, à revendiquer surtout un autre avenir pour l’Ecole publique française et ses élèves.
Le combat de notre fédération est de faire avancer une vision réellement progressiste de l’Ecole publique. Partout sur le terrain, nos parents adhérents ont porté haut et fort nos valeurs et nos revendications. Et nous avons joué, infatigables, sur tous les dossiers, notre rôle. Celui de lanceurs d’alerte et surtout de contre-pouvoir pour sauver l’avenir de nos jeunes.
L’opposition franche de la FCPE Paris à de nombreuses réformes du ministre actuel (lycée, bac, effectifs et formation des enseignants, inclusion, évaluation, gouvernance des établissements, démocratie scolaire…) n’est pas une position de principe. C’est seulement la certitude partagée que la voie néo-libérale pour réformer l’école n’est pas la solution pour réduire les inégalités scolaires et permettre à tous les élèves de s’accomplir, quels que soient leurs talents ou leurs difficultés, dans une carrière scolaire choisie, porteuse d’émancipation et de réussite pour tous.
Pendant cette année scolaire 2018-2019, la FCPE Paris a lancé des mobilisations et adopté des prises de positions qui ne sont ni naïves ni instrumentalisées. Ce sont celles de parents qui pratiquent le terrain et qui savent lire les circulaires comme les projet de loi. Des parents qui savent décrypter la « boîte noire » des intentions politiques, nourris de leur expérience locale depuis des années et d’une parfaite connaissance de leurs droits comme ceux de leurs enfants.
La mobilisation conjointe des parents d’élèves et des enseignants est elle aussi historique. Symptomatique d’une coéducation, refusée par le ministère, comme seule voie possible de progrès pour un service public d’éducation digne de ce nom.
C’est parce que celui-ci est aujourd’hui fragilisé, maltraité, dénigré, voire presque condamné, que la FCPE entend continuer le combat, avec détermination et par tous les moyens que son histoire militante lui a enseigné. Il nous faut signer avec courage, individuellement et collectivement, mais surtout en actes, ce « J’accuse » que nos enfants attendent.