Parents, la maternelle, parlons-en !

Les 27 et 28 mars prochains, le ministre de l’Education nationale organise des Assises de la maternelle. La FCPE, première fédération de parents d’élèves, a décidé de consulter les parents pour préparer ce rendez-vous. Dites-nous ce que vous aimez, ce que vous n’aimez pas, ce que vous voudriez voir changer, ce qui doit absolument rester ! Comment participer ? En échangeant au sein de vos écoles, en participant à l’un des rendez-vous organisés par la FCPE Paris le 23 mars prochain dans plusieurs écoles et surtout en répondant à la consultation en ligne ou en nous envoyant d’ici là un mail avec votre contribution.
Le « chantier de la maternelle » : l’agenda Blanquer et la méthode Cyrulnik
Jean-Michel Blanquer a décidé de transformer l’école maternelle. Le ministre de l’Education a choisi de s’appuyer sur un neuropsychiatre, Boris Cyrulnik, pour « penser la maternelle de demain » et piloter les travaux des Assises de la maternelle qui se tiendront fin mars.
Le ministre (1), qui dit considérer que « la maternelle est une locomotive pédagogique pour l’ensemble de notre système scolaire », voit dans ces assises l’occasion de « mettre en avant les meilleures pratiques pédagogiques et éducatives, y compris au niveau international, associer les autres ministères concernés, les collectivités territoriales, dont les mairies, pour réfléchir ensemble et s’inspirer de ce qui se fait de mieux ». Pour lui, l’enjeu est celui de l’acquisition du langage car « en faisant de la maternelle un bain de langage » on doit trouver « le moyen d’acquérir un vocabulaire riche, qui aura un impact important sur la réussite à l’école élémentaire et en cours préparatoire ».
Pour Boris Cyrulnik, le défi et principe premier est de « sécuriser les enfants » « pour faire des « bien partis » dans l’existence ». Selon lui « les adultes qui s’occupent des enfants ont souvent une bonne formation intellectuelle (bien qu’hétérogène), mais pas toujours adaptée à l’enfance préverbale. Les fondements de la théorie de l’attachement peuvent pourtant s’apprendre simplement et rapidement. Cette théorie nous permet par exemple de comprendre l’importance de notre langage face à un enfant, de nos attitudes, mais aussi de repérer des indices d’anxiété. L’expérience montre que les enfants ne s’attachent pas forcément à celui qui a le plus de diplômes, mais à celui qui établit les meilleures interactions avec lui ». La FCPE qui ne souhaite pas faire de procès d’intention à ce stade, s’interroge quand même sur le sous-texte de cette position : est-ce à dire que nous pourrions conclure dans quelques semaines que l’école maternelle n’a plus tant besoin de professeurs des écoles recrutés et formés selon des maquettes nationales mais surtout de personnels juste bienveillants qui seraient éducateurs sans être forcément enseignants ? En gros le modèle du « kindergarten » (jardin d’enfants) allemand, au demeurant non obligatoire et payant, qui accueille les enfants de 3 à 6 ans… Certains ont même cru entendre comme un pénible écho de l’expression fameuse et fumeuse du ministre Darcos affirmant qu’il ne fallait pas des enseignants avec master “pour changer les couches”.
D’autres points interrogent déjà, comme la référence à “l’école du langage” qui rappelle les programmes de 2008, inspirés par des proches du ministre actuel, avec ses listes de mots à apprendre. Pour Isabelle Racoffier, présidente de l’Ageem, l’association des professeurs de maternelle, interrogée par le Café pédagogique (2) : « Un retour aux listes de mots ne serait pas une bonne idée ». Elle rappelle que « pour acquérir du vocabulaire il faut des expériences vécues à plusieurs niveaux. Pour que le mot vive, il faut faire le lien entre le vécu et le mot dans différents contextes. L’apprentissage du langage c’est aussi celui de la subtilité d’un langage qui traduit des émotions. Les enfants doivent entrer dans le symbolique, identifier des émotions. L’école doit apporter des modèles relationnels pour pouvoir mettre ne place le langage ».
Pour le SNUIPP, syndicat enseignant, la question est de savoir s’il s’agit de remettre en cause des nouveaux programmes mis en œuvre en 2015, programmes accueillis favorablement par les enseignants de maternelle (et la FCPE) même s’ils peinent parfois à les mettre en place faute de l’accompagnement nécessaire… Le SNUIPP rappelle utilement que « loin des revirements permanents et des injonctions sans cesse renouvelées, c’est bien de sérénité, de temps long et d’une formation à la hauteur des enjeux dont ont besoin les enseignants pour mieux faire réussir tous leurs élèves ».
La FCPE, comme nombre d’enseignants, entend bien entrer dans ce nécessaire débat sur l’avenir et l’amélioration continue de l’école maternelle en rappelant l’importance des conditions matérielles d’apprentissage et d’enseignement : en effet comment sécuriser l’enfant dans une classe à 35 ? Or cet aspect-là est totalement passé sous silence par Jean-Michel Blanquer et Boris Cyrulnik. Interrogé sur les leviers qu’il compte utiliser pour améliorer l’école maternelle, le ministre cite surtout le mobilier des classes, la cantine, les toilettes, toutes choses qui ne dépendent pas de son ministère !
La FCPE entend donc bien rappeler que l’enjeu premier — et le préalable à toute réforme de la maternelle — est déjà l’attribution de moyens supplémentaires pour la formation et pour la réduction des effectifs dans les classes.
Que dit la FCPE sur la maternelle ?
Voici quelques extraits du projet éducatif de la FCPE et les positions défendues ces dernières années qui précisent la « vision » qu’a notre fédération de l’école maternelle et qui guide nos actions et nos revendications dans toutes les instances et avec nos partenaires.
La scolarisation obligatoire dès 3 ans et le droit à la scolarisation dès 2 ans pour les parents qui en font la demande
« La FCPE revendique la scolarisation obligatoire des enfants à partir de 3 ans, c’est-à-dire l’inscription dès l’année des 3 ans dans une école, au contact d’autres enfants, et non la seule instruction dans la famille.
Elle revendique aussi le droit à la scolarisation dès 2 ans pour les enfants dont les parents en font la demande. Une obligation pour l’État, un droit pour les parents.
La scolarisation obligatoire dès 3 ans est justifiée par une nécessité : créer les conditions de la cohésion sociale et de la réussite de tous, conformément au projet de société que nous défendons.
C’est une question de justice sociale et d’égalité que d’assurer suffisamment tôt à tous les enfants les conditions de l’apprentissage de la vie en société et du langage. L’école maternelle est en outre un lieu de détection des éventuels problèmes de santé qui influent sur la réussite scolaire (vue, audition, troubles du langage, etc.). »
Une pédagogie et des objectifs adaptés
« L’acquisition relève de la scolarité obligatoire et doit être préparée dès l’entrée à l’école maternelle où, par le jeu, l’enfant entre dans la culture scolaire. L’enjeu premier de la scolarisation en maternelle est celui de la socialisation des tout-petits et de l’apprentissage du langage. À travers un programme et des méthodes d’enseignement adaptés et ludiques, axés sur l’éveil de toutes les formes d’expression et le développement de la motricité, les enfants apprennent à se connaître eux-mêmes, prennent conscience de l’espace et du temps, apprennent à communiquer avec les autres et à vivre en communauté. »
« Il ne s’agit pas d’apprentissages formalisés dont les méthodes seraient inspirées de celles de l’école élémentaire et dont les acquis seraient évalués, voire contrôlés. L’école maternelle est à considérer comme un lieu d’épanouissement pour tous les enfants et un moment majeur de la prévention de l’échec scolaire.
L’articulation entre la grande section de maternelle et le cours préparatoire est à penser et à préparer afin d’être vécue par l’enfant comme une continuité. »
Des rythmes individuels vers les rythmes collectifs
« À l’école maternelle, il est souhaitable de donner priorité aux rythmes individuels des élèves sur les rythmes collectifs, y compris pendant le temps de la sieste. Le temps d’apprentissage journalier en classe ne devrait pas dépasser cinq heures en primaire, six heures en collège et sept heures en lycée. »
Une véritable formation des enseignants
« La FCPE revendique que les enseignants du premier degré puissent bénéficier d’une formation complémentaire à la prise en charge des plus petits en maternelle.
Il est également indispensable d’assurer une formation à l’accueil des enfants handicapés, laquelle requiert des compétences particulières et une connaissance des difficultés des enfants. »
Un cycle complet pour la maternelle
La FCPE a salué les nouveaux programmes de maternelle qui instituent un cycle d’apprentissage complet sur l’ensemble de la scolarité en Maternelle. Ce cycle de 3 ans, construit dans l’esprit du socle commun de compétences de connaissances et de culture prend en compte la spécificité de l’école maternelle tout en préparant les enfants à la logique de cycle de l’élémentaire et du collège.
Un.e ASEM par classe à temps plein
La FCPE défend la présence d’un.e ASEM par classe en maternelle à temps plein, de la petite à la grande section. L’article R.412-127, du code général des communes, dispose que « Toute classe maternelle doit bénéficier des services d’un agent communal occupant l’emploi d’agent spécialisé des écoles maternelles et des classes enfantines. ».
Cependant, cet article ne précise pas s’il doit s’agir d’un poste à temps plein ou non. Ces personnels ont une fonction complémentaire à celle des enseignants. Elles sont essentielles dans l’appropriation de l’espace-temps de l’école par les enfants, jouent un rôle important lors des tiers-temps (cantine, sieste, etc).
Mettre en place un fonds national de péréquation territoriale fléché « école maternelle » afin d’en finir avec les disparités territoriales.
Faire bénéficier les enseignants du premier degré d’une formation complémentaire à la prise en charge des plus petits en maternelle.
Renforcer l’articulation entre la grande section de maternelle et le cours préparatoire pour que ce passage soit vécu par l’enfant et ses parents comme une réelle continuité.
Un même droit l’éducation pour tous les enfants et la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Le 23 mars, parlons de la maternelle dans les « espaces parents » !
La FCPE Paris organisera le vendredi 23 mars dans quelques écoles parisiennes, avec plusieurs de ses conseils locaux, des rencontres type « cafés des parents » pour parler de la « maternelle d’aujourd’hui et de demain ». L’idée est double : profiter de ce temps de débat public que représentent les Assises de la maternelle de mars 2018 pour rappeler que l’expression des parents co-éducateurs doit non seulement être entendue mais aussi favorisée et rendue possible par l’existence des fameux « espaces parents » qui, s’ils existent dans la loi depuis 2013, tardent encore à prendre place et corps dans les écoles !
Toutes les informations pratiques sur cet événement de la FCPE Paris seront bientôt disponibles.
D’ici là, afin de préparer la prise de position de notre fédération lors des Assises, mais aussi afin de mobiliser les parents autour de ce sujet, nous proposons à nos adhérents sur le terrain de relayer le questionnaire en ligne ouvert à tous les parents d’élèves qui vise à lancer une large consultation au plus près des jeunes parents, et en leur suggérant également de nous envoyer leurs avis, idées, propositions par mail avant le 23 mars 2018 à fcpe75@fcpe75.org
(1) Voir l’entretien publié dans Ouest-France le 6 janvier 2018
(2) Voir l’article du café pédagogique « Blanquer veut “repenser” l’école maternelle » du 8 janvier 2018 http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/01/08012018Article636509921667912467.aspx