Plan étudiant, réforme APB : 20 mesures… des doutes
Dans le dossier de presse du nouveau plan étudiant qui a été diffusé ce lundi 30 octobre 2017 par le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, tout semble parfaitement huilé. Du constat à la méthode, de la méthode aux chiffres clés, des chiffres clés aux 20 mesures du plan, elles-mêmes classées en 5 catégories… la rhétorique est maîtrisée c’est certain. Pourtant après une première lecture, un sentiment de malaise s’installe… décryptage.
La promesse de Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation est ambitieuse : « Accomplir enfin la démocratisation de notre enseignement supérieur en accompagnant tous les étudiants, dans leur diversité vers la réussite. » peut-on lire dans l’éditorial du dossier de presse du plan étudiant lancé lundi 30 octobre 2017. Et de faire une liste à la Prévert des failles du système : « Pas assez de communication entre le lycée et le supérieur, pas assez d’informations pour les lycéens et leur famille, peu de prise en compte des profils, des motivations, des talents des jeunes, aucune anticipation de la démographie, pas assez de places… et des conséquences le tirage au sort ». Préparation insuffisante des lycéens et prise en compte inexistante de la croissance démographique constituent donc les deux piliers de cette réforme.
Des chiffres vertigineux
Les chiffres rappelés dans le dossier de presse donnent le vertige. Souvenons-nous qu’entre 1985 et 2016, la proportion de bacheliers dans une génération est passée de 29% à 78,6 %. Le slogan un peu provocateur du Ministre de l’Education Nationale du gouvernement Jospin en 1983 « Amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat » est donc une réalité qui impacte inévitablement l’enseignement supérieur. Inscriptions multipliées par 8 en 50 ans peut-on lire dans le dossier de presse (soit passage de 310 000 étudiants inscrits en 1960 à 2 609 700 en 2016-2017). Et c’est sans compter le pic du baby-boom des enfants de l’an 2000 qui passent le bac cette année, soit 28 000 bacheliers supplémentaires par rapport à 2017. Qu’on se rassure cependant, les chiffres devraient se stabiliser après 2022 !
Cependant, au-delà du quantitatif, c’est bien le qualitatif qui fait frémir. Comment ne pas être inquiet à la lecture des chiffres du taux d’échec en premier cycle : « Seulement 27 % des étudiants ont leur licence en 3 ans et 39 % en 4 ans. Les 61 % restants abandonnent leurs études dans lesquelles ils se sont initialement engagés (33 % après un an, 13 % après 2 ans d’études), ou se réorientent vers d’autres formations ». Et comment ne pas s’indigner en lisant que ce sont les bacheliers technologiques et professionnels qui sont les plus touchés par ces échecs à l’université. Moins retenus dans les filières sélectives (notamment dans les filières courtes IUT et STS qui ont pourtant initialement été pensées pour eux), ils n’ont d’autres choix que d’aller à l’université où seulement 7 % des bacheliers technologiques et 2 % des bacheliers professionnels réussissent à valider leur licence. Autant dire, l’échec assuré !
Des intentions qui peinent à convaincre
Face à ces enjeux, le gouvernement a choisi de ne pas perdre de temps, quitte à rendre une copie pour le moins imprécise. Si la concertation a effectivement mobilisé de nombreux acteurs – professionnels, jeunes, parents – si des thématiques variées ont été explorées (11 groupes de travail aux thématiques qui dépassent largement le cadre strict des études), si les réunions ont été nombreuses (55 peut-on lire), il n’en reste pas moins que 3 mois c’est court pour réformer entièrement un système à bout de souffle. Conséquences : un plan qui reste à la surface, qui affiche des ambitions sans entrer dans le concret, qui parle très peu des moyens… Réparties dans les 4 chapitres du dossier de presse – « Construire son projet d’études », « Accéder à l’enseignement supérieur », « Réussir dans l’enseignement supérieur », « Améliorer les conditions de vie des étudiants pour la réussite de leurs études »- les 20 mesures du plan étudiant sont souvent intéressantes sur le fond (les constats sont là pour nous rappeler l’urgence à intervenir) mais peinent à nous convaincre car semblent souvent très éloignées de la réalité de terrain. Zoom sur quelques exemples.
Accompagner les transitions
En tant que parents qui avons ce regard global sur la scolarité d’un enfant, nous savons bien que les classes de transition – de la maternelle en CP, de l’école au collège, du collège au lycée et du lycée au supérieur – sont compliquées à gérer si le passage est mal accompagné. La mise en place des conseils école-collèges (réforme du collège), la circulaire de mars 2016 sur l’entrée en lycée professionnel, la philosophie du Parcours avenir qui concerne les élèves de la 6e à la terminale, l’aide personnalisée en lycée… sont autant de mesures récentes qui prouvent que le décrochage est bien un risque à chacune de ces étapes. En faire un sujet à part entière dans le plan étudiant est donc une idée intéressante. Cependant, les mesures proposées semblent quant à elles bien insuffisantes, voire irréalistes.
Prenons par exemple la mise en place des 2 semaines de l’orientation pour aider les jeunes à mieux formuler leurs choix. Pourquoi pas mais… pourquoi faire est-on tenté de demander de suite ? Et là aucune précision si ce n’est la participation aux portes ouvertes (elles existent depuis toujours), aux salons d’orientation (les jeunes les visitent depuis longtemps « en troupeau », souvent sans savoir ce qu’ils viennent y chercher). Autre mesure, les 2 professeurs principaux par classe : là aussi on ne peut que se réjouir de cette proposition. Un encadrement renforcé est nécessairement meilleur… à condition toutefois que les-dits personnels soient volontaires et formés à ce travail d’accompagnement. Dernier exemple concernent le rôle renforcé du conseil de classe. On est là aussi un peu méfiant. Qui a déjà assisté à un conseil de classe sait que cette instance est davantage une chambre d’enregistrement, où toutes les décisions (parfois très lourdes de conséquences pour les jeunes) sont expédiées en 1h30 maximum, qu’ un lieu de débat. Et en imaginant qu’il en soit autrement, comment réellement concevoir que le conseil de classe (entendons l’équipe de 10 enseignants environ, du CPE, du chef d’établissement, les parents et élèves délégués) prenne le temps d’analyser les 10 vœux de chaque élève à chaque conseil de classe du 1er et du 2ème trimestre. Totalement irréaliste.
Une nouvelle forme de sélection ?
Le chapitre 2 sur l’accès à l’enseignement supérieur comporte également sa part d’imprécisions. Concernant la nouvelle plateforme par exemple (un concours est d’ailleurs lancé auprès des jeunes et de leurs parents pour lui trouver un nouveau nom !), il est indiqué que de nombreuses ressources sur chaque formation seront proposées. N’est-ce pas là aussi une manière d’enrober ce qui existe plus ou moins déjà ? Qui a déjà consulté APB sait en effet que l’information ne manque pas ! Et que de nombreuses universités ont déjà pris les devants en organisant des « journées portes ouvertes » ou des « semaines d’immersion ». Quant aux attendus, la lecture du dossier de presse nous laisse aisément entendre qu’il s’agira finalement de sélection. Ne nous cachons en effet pas derrière notre petit doigt. Lorsqu’une formation est très demandée (et 4 licences sont demandées par 47 % de futurs étudiants : STAPS, droit, PACES, psycho), quels autres critères que les résultats obtenus au lycée peuvent être réellement discriminants. Comme dans d’autres filières sélectives (classes préparatoires, STS, IUT…), le dossier de candidature écartera sans doute les candidats les plus fragiles scolairement. Alors bien sûr ce ne sera plus un tirage au sort aléatoire mais pour autant est-ce que le système sera plus juste ?
Sur la question des parcours à l’université, c’est sans doute là que le plan est le plus novateur. En prenant appui sur des expérimentations qui produisent des résultats, le plan prévoit en effet plus de souplesse dans les parcours avec d’un côté la mise en place d’une année supplémentaire de « remise à niveau » pour les étudiants les plus fragiles et de l’autre la possibilité de faire une licence en 2 ans pour ceux qui en auraient les capacités. Autre exemple intéressant, la possibilité de faire une année de césure « sans pénalité » (comme c’est souvent le cas aujourd’hui), même entre la terminale et la 1ère année d’enseignement supérieur. Un moyen pour nos jeunes de mûrir un peu leur projet d’avenir.
Un rendez-vous à ne pas manquer
Les prochaines semaines apporteront sans doute des précisions sur la mise en œuvre des différentes mesures du plan. A la FCPE Paris, comme nous le faisons toujours, nous veillerons à vous informer au fil des nouveautés. Un rendez-vous déjà à noter dans vos agendas, le samedi 10 février de 9h30 à 12h avec un Samedi de l’Education entièrement dédié à ces questions. A cette date, les contours du nouveau bac seront sans doute dévoilés et la nouvelle plateforme d’affectation post-bac mise en ligne. De quoi nourrir nos échanges !