Policiers, laissez nos enfants manifester !

Cette tribune est parue dans le journal Libération le 27 mars 2023
Les organisations de jeunesse ont rejoint le mouvement social qui s’oppose à la réforme des retraites. Le front syndical est uni depuis de longues semaines. Les manifestations pacifiques se multiplient. Les jeunes se sentent, à juste titre, concerné·e·s par ce projet, et se saisissent de leur droit à manifester.
La FCPE Paris a reçu de multiples signalements de parents d’élèves sur la façon dont les forces de l’ordre entendent «maintenir l’ordre» et répriment les manifestations. Les actes de violence, les intimidations, y compris sexistes, et les insultes se sont multipliés, émanant de celles et de ceux censés incarner la loi et le droit. Face à cette situation, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a appelé au respect des règles de déontologie par les forces de sécurité.
Des lycéens, parfois mineurs, ont été mis en garde à vue de longues heures, parfois plus de vingt-quatre heures, et libérés pour la plus grande majorité sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux. L’un d’eux a même été libéré seulement deux heures avant l’écrit du bac !
Ces gardes à vue de jeunes semblent devenues un instrument de maintien de l’ordre ordinaire : pour plusieurs associations de Défense des Droits de l’homme et des libertés, il s’agirait d’une stratégie délibérée pour intimider et dissuader les jeunes et leurs familles d’exercer leur droit à manifester. Est-ce ainsi que nous, adultes, concevons qu’une démocratie comme la nôtre traite sa jeunesse ? Quelle image de l’Etat, de la justice et du processus démocratique retiendront nos jeunes ? Ce n’est pas cette vision de la société que nous voulons transmettre à nos futur·e·s citoyen·ne·s.
Pour la FCPE Paris, c’est de démocratie qu’il s’agit. Nous ne pouvons accepter un tel écart entre ce qui est enseigné aux élèves par leurs professeurs d’éducation morale et civique ou ceux de droit et grands enjeux du monde contemporain et ce qu’ils et elles vivent au moment de leurs premiers gestes forts de citoyenneté.
Nous, parents d’élèves, demandons solennellement que le droit des jeunes à exprimer leurs opinions et à manifester soit entièrement respecté.
La FCPE Paris ne cautionne en aucune manière les violences et les destructions perpétrées par certains sous couvert de conflit social. Il ne nous semble pas difficile de distinguer d’une part des groupes venus pour casser, et d’autre part des jeunes lycéens – parfois mineurs – qui expriment leurs craintes légitimes au vu de la réforme proposée. Nous connaissons les compétences de nos forces de police pour faire cette différence et identifier les jeunes venus manifester pacifiquement dans le respect de la loi, et de leurs droits.
Le droit de manifester est un droit souverain dans notre pays. Les membres du gouvernement ne cessent de répéter que celui-là est respecté. Le 24 mars, le Conseil de l’Europe dénonçait cependant un «usage excessif de la force» envers les manifestants en France, rappelant au respect de ce droit. Les consignes données à la police doivent être claires, pour permettre de restaurer la confiance entre nos jeunes et les forces de sécurité. La FCPE Paris s’oppose fermement à de telles dérives, injustifiables, dirigées contre les jeunes.
Nous, parents, demandons que des enquêtes indépendantes soient diligentées pour documenter les violences physiques et institutionnelles dont ont pu être victimes des jeunes lycéen·ne·s et étudiant·e·s, et que leurs conclusions soient rendues publiques. Nous demandons au préfet de Paris de prendre toutes les mesures nécessaires pour que nos enfants, en manifestant, ne craignent plus de finir à l’hôpital avec des blessures graves infligées par la police, ou d’être placés en garde à vue sans motif.
La FCPE Paris
Ressources utiles:
- Manifestations, blocage des établissements scolaires : ce qu’il faut savoir (FCPE)
- En cas de garde à vue d’élève, le tract vigilance – blocus lycéens du collectif Anti Répression Lycée, dont les membres, parents, AED, enseignants et lycéens, suivent les blocus et alertent en cas de garde à vue (GAV) ou violence envers les lycéennes et lycéens. Vous pouvez les contacter directement par mail.
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