Prévenir les violences scolaires : J3F, un dispositif original et méconnu

Le Jeu des Trois Figures – ou J3F – est une activité théâtrale créée en 2007 par le docteur Serge Tisseron pour développer l’empathie de la maternelle au collège. Il est appelé ainsi en référence aux trois personnages de l’agresseur, de la victime et du tiers, qui peut être simple témoin, redresseur de torts ou sauveteur. Il correspond à trois objectifs fixés par les programmes de l’éducation nationale en 2015 : le jeu théâtral, l’identification des mimiques et l’empathie.
Le Jeu des Trois Figures (ou J3F) est une activité théâtrale créée en 2007, à la demande de l’Education Nationale, par le psychiatre et docteur en psychologie Serge Tisseron.
Cette démarche a été initialement mise en place pour permettre un travail autour de l’image : en effet, les enfants, quel que soit leur âge, sont confrontés précocement et massivement à une foule d’images sans avoir aucun espace où en parler avec un adulte.
Le J3F a été développé pour les élèves du niveau maternelle, puis a connu des aménagements pour pouvoir être proposé dans le secondaire.
Comment se déroule une séance ?
La séance dure environ 45 minutes, sur le temps de classe.
Puis vient le temps de la création de l’histoire avec une règle simple : à chaque action correspond une phrase et une émotion. L’enseignant distribue la parole mais ce sont les enfants qui co-construisent ensemble la saynète.
Quand l’histoire est terminée, les enfants sont invités (jamais forcés) à jouer, mais avec une contrainte : chacun jouera tous les rôles (victime, agresseur, témoin), successivement, ce qui signifie que la scène sera répétée 3 fois.
A la fin de chaque « représentation », tous applaudissent, et personne ne commente, pour éviter tout jugement, sauf éventuellement ceux qui ont joué.
Son intérêt à l’école maternelle
Le J3F remplit cinq des six objectifs des programmes français : s’approprier le langage, apprendre les règles de la socialisation et du bien vivre ensemble, agir et s’exprimer avec son corps, mettre en œuvre l’imagination, et valoriser la référence à l’écrit.
Le J3F encourage d’autres fonctions importantes à cet âge : il constitue une forme de pré-éducation aux images en permettant aux enfants de prendre plus de recul par rapport à celles qu’ils voient, notamment à la télévision ; il apprend le « faire semblant » et incite les enfants à « imiter pour de faux » dans leurs jeux plutôt que « pour de vrai » ; il lutte contre les stéréotypes de genre ; il facilite l’apprentissage de la langue française chez les élèves non francophones ; il favorise la reconnaissance des émotions et il stimule la construction narrative. Il initie également aux règles civiques (quand tout le monde n’est pas d’accord, on vote) et à la culture de la loi écrite (l’enseignant note au tableau ce qui a été voté, ce qui permet de s’y référer en cas de litige sur ce qu’on doit jouer).
Son intérêt à l’école élémentaire et au collège
Le J3F, dans sa version adaptée aux CM1, CM2 et collèges, ajoute un dernier temps de retour sur les émotions : les enfants qui ont joué la saynète sont invités à dire ce qu’ils ont ressenti pendant le jeu.
Cette dernière étape permet de travailler la construction du changement de perspective émotionnelle, phase importante du développement de l’empathie. L’objectif prioritaire à cet âge est d’éviter que l’enfant s’enferme dans une posture rigide qui puisse le conduire à un engagement radicalisé.
Le J3F sur le terrain
La mise en place du J3F est encouragée par la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire (DGESCO), et l’Education Nationale prend en charge la formation des enseignants volontaires pour utiliser ce dispositif (formation de 3 jours). Pour autant, le J3F n’est pas connu par les équipes scolaires. Notre rôle de représentants de parents d’élèves peut être de transmettre ces informations aux directeurs d’établissements et aux professeurs.
Cependant, les inspecteurs d’académie sont souvent réticents à la mise en place du J3F dans les classes, craignant que les enseignants sortent de leur rôle pour adopter une posture trop psychologisante. Pourtant, le J3F n’est pas un jeu de rôle ni une séance de psychodrame En effet, contrairement au jeu de rôle, dans le J3F, les actions, les phrases et les émotions liées aux situations sont précisément fixées avant que les volontaires ne commencent à jouer. De plus, contrairement au psychodrame, il n’y a aucune forme d’interprétation : les enseignants ou les éducateurs sont invités à ne faire aucun commentaire, ni sur le sens des histoires construites puis jouées par les enfants, ni pour « juger » la prestation des enfants. L’enseignant demeure dans un rôle strictement pédagogique.
Sur le site internet http://3figures.org/fr/, on trouve des précisions sur ce dispositif ainsi que des vidéos qui permettent de mieux se représenter le déroulement des séances.
« La violence et le harcèlement sont des problèmes terribles et il n’y aura évidemment jamais une solution unique. Mais le J3F montre que même à un jeune âge, l’empathie est l’un des meilleurs outils que nous avons pour construire ensemble un monde plus serein. »
(S. Tisseron)
Elodie GABRIEL
(Présidente du CL Mouffetard-Epée de Bois, Trésorière de l’UL 5-6)