Réforme de la formation des enseignants, « préprofessionalisation » : des économies sur le dos des élèves des classes populaires ?
Lors de leur assemblée générale du 6 février 2019, cité scolaire Voltaire à Paris, les présidents des conseils locaux parisiens ont dénoncé la baisse de la dotation horaire globale dans les collèges et les lycées, au détriment de l’encadrement pédagogique comme le soutien pour les élèves en difficulté par exemple. Ce problème concerne en fait toute la France. Par ailleurs, sur le terrain, les professeurs absents sont toujours plus mal remplacés, comme le rapporte la Cour des comptes (1). Comment le gouvernement compte-t-il pallier les conséquences de sa politique d’austérité ?
Un volet de la loi sur « l’école de la confiance » pourrait bien y pourvoir, au détriment de la qualité de l’Ecole publique : celui concernant la réforme de la formation des enseignants (FDE) et la « préprofessionalisation ». Comment ? La réponse du Ministère de l’Education Nationale à la Cour des comptes donne un indice : « Le développement de la préprofessionnalisation devrait permettre d’améliorer sensiblement la satisfaction des besoins de remplacement de courte durée »…
De quoi s’agit-il donc ? Malgré le flou entretenu par le ministère, un amendement de l’article 14 de la loi actuellement débattue à l’Assemblée nationale (2) et les échos des discussions entre le ministère et les organisations syndicales des enseignants permettent d’en savoir plus : des étudiants de licence et de master 1ère année effectueraient 8 heures par semaine dans des établissements primaires ou secondaires. Ces étudiants, non certifiés par le concours et dont ni la maîtrise des connaissances ni la formation pédagogique ne seront attestées, exerceraient des charges d’enseignement : soutiens, « devoirs faits », remplacements ponctuels, activités pédagogiques complémentaires (APC) en petits groupes – qui doivent contribuer à la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et à la réussite de tous les élèves -, enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), puis remplacements plus systématiques… Ainsi le ministère cherche-t-il à compenser la baisse des moyens et le manque de remplaçants… en confiant les élèves à des étudiants non formés et sans aucune garantie sur les moyens d’« accompagnement » de ces derniers.
Le ministre souhaite aussi déplacer le concours de recrutement en fin de Master. Cela pose deux questions :
- Les lauréats du concours seront-ils envoyés directement sur le terrain alors qu’aujourd’hui ils sont en formation pendant un an ? Nombre d’entre eux n’ont aucune formation pédagogique, notamment dans les académies où les recrutements d’enseignants sont déjà insuffisants.
- Les étudiants suivant les masters de formation d’enseignant seront-ils eux aussi des moyens d’enseignement, peu payés, avant la réussite du concours ?
Au lieu de doter tous les futurs enseignants d’une véritable formation professionnelle, cette réforme, dont on ne cesse de nous répéter qu’elle vise à créer « l’école de la confiance », risque en fait d’être une source d’économie au détriment des élèves. Ses effets pervers risquent en effet d’affaiblir encore l’enseignement public, et de livrer au décrochage des élèves de plus en plus nombreux. Pour les autres, ceux dont les familles auront les moyens financiers suffisants, nul doute qu’ils pourront s’inscrire dans des établissements d’enseignement privé ou qu’ils deviendront clients de services de cours particuliers.
Monsieur le ministre, vous avez dit confiance ?
(1) https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2019
(2) http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/1481/CION-CEDU/AC594.asp