Retour sur le Samedi de l’éducation sur la santé mentale des jeunes
« Et vous comment ça va ? » Pas facile de répondre à cette question… Ni pour nous, ni pour nos enfants. Après plusieurs années d’arrêt, les Samedis de l’éducation de la FCPE Paris ont fait leur retour samedi 28 septembre, avec une première rencontre dédiée à la santé mentale des enfants et des adolescents. Pour réfléchir à une école qui assure le bien-être cognitif et émotionnel des élèves. Parler de la détresse des adolescents qui allaient bien avant et qui iront bien après…
On peut se l’avouer, personne ne nage en permanence dans le bonheur. Notre santé mentale fluctue, tout simplement parce qu’elle dépend de nombreux facteurs sur lesquels il est plus ou moins facile d’agir soi-même. Et souvent encore plus difficile d’y mettre des mots adéquats. Dire « ça ne va pas » n’est pas si simple.
Parler de santé mentale, ça fait toujours un peu peur… c’est pourtant un sujet majeur dans la vie des ados et jeunes adultes.
Ce samedi 28 septembre, au lycée Jules Ferry, Sophie Campredon, Jerome Daydé, et Virginie d’Eau nous ont permis de questionner simplement ce sujet pas facile. Egalement présent en visio, Philipe Colin-Madan et Dominique Montchablon ont pris la parole pour mettre nos échanges en perspectives et ouvrir le temps de discussion. De nombreux parents d’élèves de tout Paris ont assisté et participé à ce rendez-vous.
Samedi de l’éducation de la FCPE Paris – 28 septembre 2024 – Lycée Jules Ferry
Retour sur une matinée passionnante
Parler de santé mentale, c’est en premier lieu questionner la définition même de santé mentale. L’Organisation mondiale de la santé définit la santé comme “ un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.”
Ça veut dire quoi « être en bonne santé mentale » ?
De quoi parle-t-on ? De bien-être physique, mental et social ? De joie de vivre, optimisme, estime de soi, épanouissement ? Est-ce se sentir bien ? Avoir la possibilité de se réaliser ? S’épanouir ? Avoir le sentiment de contrôler de sa vie ? De maîtriser les grandes lignes de sa vie ? Surmonter les tensions de la vie et les événements stressants du quotidien ? Jouer un rôle actif dans sa famille, son travail, sa communauté ? Se sentir à sa place ? S’investir pleinement dans ses activités ?
Et pendant le temps de l’adolescence ? Que dire de ce cumul ?
Sophie Campredon parle de nos égos comme des “êtres intimes”. À un âge où le cerveau n’est pas mature, l’adolescent est un individu en formation… Mais c’est quoi au juste l’adolescence ? Ses grands bouleversements ?
Comment faire la différence entre un ado en crise et un ado en souffrance ?
Quelques jours plus tôt, mercredi 25 septembre, sur France Inter, Léa Salamé démarrait la journée spéciale santé mentale par ces mots : « Peut-on être une fille très rigolote et tomber jusqu’au tréfonds de la dépression » ? Constance humoriste cavalant de salle en salle s’est écroulée un jour…
On a une sorte d’imaginaire collectif de la turbulence adolescente, période de transition. Pour les adolescents, leurs familles, leur entourage, pour les enseignants détecter les signaux faibles d’un « quelque choses d’autre » reste très compliqué.
Refus anxieux de l’école, troubles des comportements alimentaires, épisodes dépressifs de plus en plus fréquents chez les jeunes, pathologies psy qui se développent à l’adolescence… Jérôme Daydé et Sophie Campredon ont esquissé des réponses pour identifier les premiers signes, détecter les signaux faibles.
“Les enfants qui vont bien, vont bien à l’école” sauf à avoir des difficultés identifiées dans ses apprentissages, ce qui est un autre sujet.
Dans ce temps du collège, qui est souvent le temps de l’entrée dans l’adolescence et un grand changement pour tous, il n’est pas toujours facile de faire la différence entre irritabilité de l’adolescent ou pathologique.
Les signes à surveiller : la chute durable des résultats scolaire, l’assiduité (retards, renvois volontaires de classe, décrocheurs internes qui viennent au lycée mais n’entrent plus en classe), changements de look, troubles du sommeil, manque d’appétit prolongé, renfermement, tristesse, isolement des amis et de la famille…
Un quart des collégiens et des lycéens se sentent seuls selon santé publique France. Comment sortir de l’isolement et renouer les fils du dialogue ? Avec les parents ? Les adultes qui font référence, les professeurs, … 25% des étudiants sont concernés par une problématique de la santé mentale et un quart des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires. On constate 2 fois plus d’hospitalisations chez les jeunes par rapport à l’avant COVID.
Virginie d’Eau, Jérôme Daydé, Sophie Campredon
Comment créer un cadre de confiance pour que les enfants, les ados, osent se tourner vers les adultes ? Pour que leurs parents osent parler avec l’école ?
Jérôme Daydé et Sophie Campredon ont rappelé que toute interrogation est légitime, toute parole mérite d’être écoutée pour sécuriser les enfants comme leur parents. Mais pour qu’une rencontre ait lieu, il faut que tous les protagonistes soient en phase. En capacité de s’entendre, de s’écouter. Pour se faire confiance et pouvoir faire confiance pour être en mesure de détecter les signaux faibles… Il faut libérer la parole. Parce que plus on est en souffrance et moins on parle. C’est aux prémices du mal-être qu’il faudrait pourvoir « intervenir » pour que les troubles ne s’installent durablement. Il y a un véritable enjeu du diagnostic précoce. Et pourtant, dans un contexte où l’accès au soins est compliqué, les temps d’attentes s’allongent pour la prise en charge des enfants, les ados ou des très jeunes adultes qui doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge spécifique à leur classe d’âge avec des parcours de soins dédiés.
Virginie d’Eau nous a parlé du rôle d’un secouriste en santé mentale. En quoi consistent les premiers secours en santé mentale ? Et comment lutter contre la stigmatisation, et ne pas avoir honte de dire qu’on ne va pas bien…
Virginie d’Eau, Jérôme Daydé, Sophie Campredon et Herveline Fabre (FCPE Paris)
A l’école, comment combiner les regards sur nos ados ?
Qui ne sont pas juste des élèves… qui ramènent leur vie (à l’extérieur de l’école) dans l’école. Le secret ne serait-il pas la co-éducation ? Combiner les regards sur la « santé mentale » des jeunes : celui des enfants et des ados eux-mêmes, celui de leurs enseignants et celui de leurs parents, croiser les observations faites dans des contextes différents, à l’école, à la maison, dans les activités périscolaires…
Philippe Colin-Madan parle de « l’enfant comme un tout qui nous impose de travailler ensemble, de mobiliser les différents partenaires autour des enfants et des jeunes »
Comment ne pas juger, ni banaliser le ressenti, et ne jamais rompre le dialogue ? Parfois les parents cachent les difficultés de leurs enfants, voire leur demandent de ne laisser rien paraitre de peur d’être écartés de la réussite. Et les enseignants sont démunis face aux difficultés de leurs élèves, certains doutent parfois de leur sincérité, rien d’étonnant quand les élèves se sont entrainés à cacher leurs difficultés et exercent des mécanismes de défense permanent. Il y a dans les familles une réelle anxiété liée à la réussite scolaire, qui vient polluer énormément ce champs de la santé mentale, de la confiance e de la coopération…
Bien-être, empathie, solidarité contribuent au plaisir d’apprendre et au développement de la compétence et doivent être replacés au centre de la problématique d’apprentissage.
En visio, Dominique Montachablon et Philippe Colin-Madan
Et la place des parents dans tout ça ?
Pourquoi avons-nous si peur de mal faire ? Comment rassurer nos enfants ? Comment trouver la bonne distance. Ni intrusif, ni trop distant. Sophie Campredon nous a rappelé qu’être parent c’est le métier le plus difficile du monde !
Dominique Montachablon a souligné le bénéfice de l’engagement des parents dans une association de parents d’élèves ! Des liens sociaux des parents, leur curiosité et leur solidarité qui font également partie des outils de repérage et de résolution…
Sophie Campredon, psychiatre pour enfants et adolescents, chef du service du Relais Étudiants Lycéens 75 à la Fondation Santé des Étudiants de France (FSEF)
Jerome Daydé, IEN-ASH • ASH Nord à l’académie de Paris
Philipe Colin-Madan Ancien proviseur, directeur pédagogique (FSEF) et conseiller scolarité-éducation à la délégation interministérielle de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes (DIPLPEJ), président de Scolaxion et du conseil scientifique de L’AFPSSU, Association Française de Promotion de la Santé dans l’environnement Scolaire et Universitaire.
Dominique Montchablon Psychiatre (FSEF) et Thérapeute familiale