Rythmes scolaires : un nouveau président de la vieille école ?
La perspective d’un décret publié dès cet été visant à offrir la possibilité aux communes de sortir de la réforme des rythmes scolaires ranime les plus mauvaises polémiques mais surtout éveille de vraies inquiétudes. Par une lettre de sa présidente Liliana Moyano à Emmanuel Macron en date du 11 mai, la FCPE vient de rappeler sa franche opposition à un retour à la semaine de quatre jours. Plusieurs autres sujets font aussi question sur lesquels les parents d’élèves attendent des éclaircissements et des engagements fermes de nature à restaurer la confiance dans le service public d’éducation.
Le scénario envisagé est le suivant : chaque commune pourra adopter la semaine qu’elle souhaite, retour pur et simple à la semaine de 4 jours, maintien de la semaine de 4,5 jours, avec ou sans périscolaire. En actant ainsi la fin du cadrage national et une multiplicité de rythmes annuels sur le territoire national, le nombre total d’heures d’enseignement restant inchangé (864 heures annuelles), c’est aussi l’intérêt des élèves qui passe au second plan.
La FCPE s’est battue pendant de longues années pour le retour aux cinq matinées, organisation du temps scolaire plébiscitée par tous les spécialistes de l’Education et les membres de la communauté éducative, car c’est durant les matinées que les élèves sont les plus disponibles pour les apprentissages. C’est aussi pour diminuer le nombre d’heures de classe par jour et augmenter le nombre de jours annuels travaillés pour mieux articuler, au bénéfice de tous les enfants, les rythmes d’apprentissage quotidien, hebdomadaire et annuel.
Mais la menace est aussi celle d’un retour général et à marche forcée à la semaine des quatre jours si les financements de l’Etat venaient à s’interrompre en 2019, comme cela a pu être suggéré dans l’entourage du nouveau président.
Si la FCPE tire avec fermeté cette première sonnette d’alarme sur la question des rythmes, c’est pour inviter le nouveau président à ne pas se tromper de combat : la réduction des inégalités scolaires ne peut passer par la création de nouvelles inégalités territoriales, fondées sur des logiques d’arbitrage financier et de rigueur budgétaire.
L’exemple parisien, où près de 90 % des écoliers fréquentent aujourd’hui deux fois par semaine les ateliers périscolaires, montre que le réel défi est plutôt la complémentarité des actions et la collaboration entre les acteurs des temps scolaire et périscolaire dans le cadre d’un PEDT que tous les partenaires éducatifs seraient capables de s’approprier en bonne intelligence. Pour Alexandra Cordebard, adjointe aux affaires scolaires d’Anne Hidalgo interrogée par Le Monde, « aucune chance qu’à Paris on détricote quoi que ce soit. (…) On est décidé à faire progresser ce qui est une réforme de justice sociale ». Mais ce qu’une majorité municipale a fait, une autre peut le défaire.
Adieu le « plus de maîtres que de classes » ?
L’un des dispositifs de la Refondation de l’Ecole engagée en 2013 avec priorité donnée au primaire est le « plus de maîtres que de classes » qui consiste à affecter un enseignant supplémentaire en renfort dans les écoles, principalement en éducation prioritaire. Un dispositif qui semble vivre ses dernières semaines. La raison ? Une volonté trop pragmatique de redéployer ces maîtres en éducation prioritaire pour permettre de faire baisser les effectifs en CP-CE1 comme annoncé pendant la campagne présidentielle, le tout sans investir dans de nouvelles créations de postes.
La première des maladresses en matière de gouvernance, pour qui ambitionne de vouloir gouverner autrement, c’est d’annoncer la fin d’un dispositif a priori plébiscité par les enseignants, les parents et les élèves sans attendre les résultats de l’évaluation lancée par le ministère de l’éducation et qui sont prévus pour la fin 2017.
Le temps n’est pas encore venu — si tant est qu’il le faille — de trancher sur la meilleure des options : les « petits effectifs » ou la « co-intervention ». Par contre il est plus que temps de tirer la sonnette d’alarme sur toutes les logiques de détricotage systématique ou de bricolage à moyens constants !
A Paris, dans une académie qui a toujours été considérée à tort comme « privilégiée », les parents et les enseignants connaissent bien la logique du « à enveloppe constante ». Rien qui ne permette de répondre aux besoins actuels en matière de réduction ambitieuse des inégalités scolaires, et donc d’allocation équitable et renforcée des moyens partout où cela est nécessaire, même à Paris où les inégalités sociales et scolaires se creusent encore. La FCPE Paris n’a eu de cesse de le rappeler d’année en année : refonder l’école ne peut se faire à moyens constants et, pas plus aujourd’hui qu’hier, la gestion de la pénurie ne pourra remettre l’ascenseur social de l’école “en marche” !
Du temps long pour réformer l’école
Une autre erreur consisterait à ne pas donner une fois de plus du temps aux réformes. Il faut faire preuve de courage politique pour chercher un consensus de la nation sur les missions de l’école et accorder un temps long pour réformer, distinct de celui des enjeux électoraux.
La FCPE Paris estime qu’il faut rompre avec l’empilement et la valse des réformes, déployer qualitativement les réformes sur le terrain, cesser de faire table rase des mesures du gouvernement précédent avant leur évaluation indépendante, transparente et concertée. Raison pour laquelle elle souhaite la tenue d’un Grenelle de l’éducation dans la première année du quinquennat.
L’École de la République est aujourd’hui discréditée et affaiblie à cause de son incapacité à répondre aux difficultés scolaires de nombreux élèves, incapacité qui révèle à la fois l’étendue du consensus libéral sur la construction d’une école à plusieurs vitesses et la peur d’engager un combat qui paraît immense. La FCPE estime qu’il est temps de faire des choix qui engageront toute la nation sur le temps long : sur la formation des enseignants, sur la mise à disposition des moyens humains et financiers nécessaires et sur le combat contre la ségrégation scolaire.
A très court terme, d’autres sujets questionnent les parents de la FCPE qui devront aussi être rapidement précisés par le nouveau président élu et son futur ministre de l’Education dans les semaines qui viennent : l’autonomie des établissements, la remise en cause partielle de la réforme du collège, la réforme du baccalauréat…