Trump Président, ce qui attend les Etats-Unis en matière d’éducation
Donald Trump vient d’être élu 45e Président des Etats-Unis. Commentateurs, analystes et responsables politiques du monde entier s’accordent au moins sur une chose : l’incertitude politique est totale, en l’absence d’un programme suffisamment précis. En matière d’éducation, c’est aussi un vrai « saut dans l’inconnu » vu le faible niveau d’investissement de la question par Trump durant sa campagne. A quoi l’Amérique peut-elle s’attendre avec son arrivée au pouvoir en janvier 2017 ?
Le « School Choice » ou la fin de l’école publique
Le programme « Education » de D. Trump est en effet très maigre si l’on considère que nous pouvons le reproduire ci-dessous dans son intégralité en seulement deux petites captures d’écran :
La première mesure du nouveau président républicain sera sans doute celle annoncée durant sa campagne comme la solution miracle « pour inverser les inégalités dans l’éducation », à savoir le « School Choice » qu’il élève même au rang de « droit civil de notre temps ». Il s’agit d’un dispositif qui doit permettre aux parents de choisir l’éducation qui convient le mieux à leurs enfants, entre l’école publique, privée, privée sous contrat ou encore l’enseignement à domicile, par internet par exemple. Tout le contraire donc de la promotion d’un service public d’éducation fort.
Si Trump a déclaré « en tant que votre président, je serai la plus grande cheerleader de la nation pour le choix de l’école », en précisant que « les étudiants sont pris au piège dans les écoles urbaines en échec chronique [et] devraient avoir le droit civil de fréquenter une école de leur choix », c’est autant pour parler à son électorat le plus droitier et libéral que pour tenter de séduire de nombreux parents afro-américains et hispaniques pauvres inquiets pour la carrière scolaire et l’avenir de leurs enfants.
Personne ne saurait dire si et comment Trump versera, comme promis lors de sa campagne, les 20 milliards de dollars de subventions fédérales aux enfants pauvres pour aller à l’école choisie par leur famille. Mais ce qui est certain, c’est qu’il va enterrer toute politique de sauvegarde, rénovation ou renforcement de l’offre publique d’éducation.
L’éducation soumise à la seule loi du marché
Plutôt que d’envoyer directement les fonds fédéraux aux écoles, comme le fait le système actuel, Trump a proposé de donner des subventions globales aux États, qui auront la possibilité de laisser ces dollars suivre les étudiants vers l’école qu’ils choisiront. Cela va représenter une incroyable saignée pour les écoles publiques traditionnelles : l’American Federation of Teachers et la National Education Association estiment toutes deux que cela va délester jusqu’à 56.000 écoles publiques de leurs ressources, mettant ainsi en péril l’éducation de près de 21 millions d’enfants. Et les critiques de rappeler que c’est aussi la porte ouverte au financement, avec l’argent des contribuables, des écoles religieuses privées et des écoles à but lucratif.
En outre, une coupe de 20 milliards dans le budget de l’éducation pourrait, selon les syndicats enseignants américains, entraîner la suppression de 300.000 postes d’enseignants, condamnant ainsi des millions d’étudiants à fréquenter des classes plus nombreuses, au sein desquelles ils recevraient un accompagnement plus limité. Cela pourrait également pénaliser potentiellement plus de huit millions d’étudiants de l’enseignement supérieur dépendant des « Pell Grants » (des subventions du gouvernement fédéral allouées aux étudiants qui en ont besoin pour payer leurs études). On est très loin de la proposition démocrate de rendre les universités gratuites aux étudiants les plus modestes (dont les parents ont des revenus inférieurs à 76 000 euros) pour leur éviter de s’endetter sur des dizaines d’années compte tenu du prix exorbitant des études outre-atlantique. Si Obama a lancé la mise en place d’un plan fédéral d’apurement de la dette des Américains liée au financement de leurs études (dette qui atteint 1000 milliards de dollars, au point de former une bulle financière menaçant l’ensemble de l’économie), Trump a de son côté décidé de confier cette mission au système bancaire privé et non à l’administration fédérale.
Les profs payés en fonction des résultats des élèves
Côté enseignants aussi, certains changements sont à prévoir car Trump a mis la rémunération au mérite en tête de ses priorités. Il envisage en effet de soutenir cette politique largement controversée qui base une partie du salaire d’un enseignant sur les scores des élèves aux tests.
En dehors de ces deux points, les commentaires de M. Trump sur l’éducation ont été rares et très peu repris dans les médias. Selon lui, les écoles américaines ne sont pas meilleures que celles d’un pays en développement, a-t-il dit, et le niveau moyen en termes de socle commun est un « désastre ». Il propose juste une refonte du socle commun éducatif pour les élèves âgés de moins de 12 ans mais, selon lui, l’éducation doit être locale et non « initiée par les bureaucrates de Washington ». Pas de vision d’ensemble donc, voire pas de vision du tout. Par contre, il se montre favorable à une compétition entre les élèves au sein de l’école, affirmant que « cela les rend plus forts ».
Très clairement, l’éducation n’est ni une priorité ni un terrain de connaissances et de compétences pour le nouveau président des Etats-Unis. Sa vision limitée, ultralibérale, conservatrice et non-émancipatrice de l’éducation représente clairement un danger majeur pour l’avenir de toute la société américaine, et des plus vulnérables en particulier.
Lire aussi…
« Donald Trump Releases Education Proposal, Promoting School Choice », New York Times, 8 sept. 2016