Un rapport de l’Académie de Médecine dénonce la situation alarmante de médecine scolaire en France

Fin octobre 2017, l’Académie de médecine vient de publier un rapport sur « La médecine scolaire en France » dont elle juge « la situation alarmante », ce « qui met en grande difficulté les actions éducatives fondamentales en matière de prévention pour les enfants et les adolescents scolarisés ». Présentation de ce rapport et des recommandations qu’il contient.
Dans le même sens que les constats et revendications portées depuis des années par la FCPE, l’Académie de médecine recommande d’abord de remédier d’urgence à la pénurie des Médecins de l’éducation nationale (MEN). Elle estime ensuite qu’il conviendrait de recadrer leur activité dans un statut de médecins de la prévention, d’assurer l’examen de santé pour tous les enfants de 6 ans et de réviser la gouvernance par la création d’un comité exécutif entre les ministères de l’EN et de la Santé. Elle propose d’instaurer un enseignement universitaire de la médecine scolaire sous la forme d’une formation spécialisée transversale, et de mettre en place un système de santé scolaire organisé basé sur les personnels de la santé scolaire et les enseignants formés à cet effet.
Manque de pilotage, d’évaluation et de clarté pour la gouvernance
La médecine scolaire concerne plus de 12 millions d’élèves en France et elle est sous l’égide du Ministère de l’Education nationale (EN). Elle a été organisée en France en 1945, par la mise en place d’un service d’hygiène scolaire qui instaura un examen médical d’entrée à 6 ans et des examens de santé réguliers. En 1946 les postes de médecins et d’infirmières scolaires sont créés. Le service de promotion de la santé en faveur des élèves a été créé au sein du Ministère de l’EN en 1991. Les tâches des personnels de santé se sont étendues par la prise en charge des élèves ayant une maladie chronique (1993), l’aide aux élèves atteints de handicap (2005) ou celle des enfants ayant des difficultés d’apprentissage (2015).
L’Académie « déplore le manque de pilotage, d’évaluation et de clarté pour la gouvernance, en particulier pour les missions des médecins et des infirmières. Les objectifs pour la santé des élèves se sont multipliés, mais le nombre de médecins scolaires est en diminution constante passant de 1400 Médecins de l’éducation nationale (MEN) en 2006 à 1000 en 2016 ». Elle estime que « l’attractivité pour la médecine scolaire est médiocre en raison de sa faible reconnaissance professionnelle et des mauvaises conditions matérielles ». Elle confirme que la répartition des MEN en France est très hétérogène, allant de 2000 à 46000 élèves pour un seul MEN. Le taux des visites pour les élèves de 6 ans varie selon les régions de 0 à 90% : en moyenne 57% des enfants ont eu un examen de santé pratiqué par un médecin ou par une infirmière en 2015. Le constat est bel et bien accablant : « La carence en MEN menace la qualité et l’égalité du dépistage précoce et de la prévention, en particulier pour les grands problèmes de l’adolescence: échec scolaire, addictions, obésité, troubles neuropsychiques ».
Une réforme profonde pour répondre aux impératifs de prévention chez les enfants et chez les adolescents
Depuis les années 2000 la médecine scolaire se trouve confrontée à des orientations nouvelles et essentielles : la promotion de la santé scolaire pour tous les enfants, la scolarisation des enfants atteints de handicaps ou de maladies chroniques, le dépistage des troubles de l’apprentissage ou du langage. Ces orientations se sont ajoutées aux missions antérieures, dont les visites de dépistage ne sont plus qu’une des nombreuses tâches imparties à la médecine scolaire. Cette dernière connait aujourd’hui de grandes difficultés qui requièrent une réforme profonde si l’on veut répondre efficacement aux impératifs de prévention chez les enfants et chez les adolescents.
L’Académie nationale de médecine fait, pour ces raisons, les recommandations suivantes :
- Instaurer une évaluation à l’aide d’indicateurs fiables et représentatifs pour clarifier les priorités et le pilotage de la santé scolaire.
- Remédier d’urgence à la pénurie des médecins de l’éducation nationale de plus en plus préoccupante : un millier seulement pour 12 millions d’élèves. Leur statut pourrait s’inscrire dans un cadre de médecins de prévention dans la fonction publique, pour améliorer leur nombre et leurs conditions matérielles, actuellement peu attractives pour les jeunes médecins désireux de suivre la filière de la médecine scolaire.
- Assurer pour les 800000 enfants de 6 ans un examen de santé, aujourd’hui très insuffisamment réalisé et inégalitaire, en spécifiant, dans un texte précis, le contenu de la mission des médecins et celui des infirmiers (ères).
- Instaurer un enseignement universitaire de la médecine scolaire dans toutes les Facultés de médecine sous la forme d’une Formation spécialisée transversale de médecine scolaire et développer un enseignement spécifique pour les infirmières scolaires, suffisamment long et comportant une formation sociétale et environnementale.
- Renforcer la place de la prévention et de la santé au sein des instances de l’Education nationale en déployant et en renforçant la convention-cadre de 2016.
- Organiser un système de santé scolaire, de la maternelle au lycée, rattaché au Ministère de la santé qui assure, d’une part, la création d’une véritable équipe de santé entre les médecins, les infirmiers(ères), les assistantes sociales et les enseignants ayant reçu une formation spécifique, et, d’autre part, un maillage extra-scolaire robuste entre les professionnels de santé concernés par l’enfant (PMI, généralistes, pédiatres, pédopsychiatres, psychologues, orthophonistes, services sociaux…).
Le risque de l’externalisation
La FCPE tient également à tirer la sonnette d’alarme concernant la tentation d’externaliser la médecine scolaire. En ce sens elle rejoint les positions du Syndicat national des médecins scolaires et universitaires SNMSU-UNSA Éducation (communiqué du 17 octobre 2017) pour qui « choisir de faire appel à des « médecins non-scolaires » comme le suggère le ministère de la Santé et à des « étudiants en santé » dans le cadre d’un service sanitaire, bref externaliser la médecine scolaire, c’est nier l’expertise nécessaire pour le dépistage et la prise en charge des troubles des apprentissages, c’est ignorer les problématiques de la médecine libérale et hospitalière, c’est un leurre pour les élèves et leurs parents ». Le syndicat estime que « l’abandon des dépistages à l’école et de l’accès à un médecin spécialiste de l’élève est un véritable scandale sanitaire » et qu’ « en ne permettant pas l’accès aux soins et aux aménagements de la scolarité pour plus de la moitié d’une tranche d’âge, l’école fabrique des élèves en difficulté scolaire et en rupture avec le système éducatif ». Rappelant utilement que « cela aura un coût important pour notre société et [que] c’est en totale contradiction avec la concertation sur une nouvelle politique de lutte contre la pauvreté qui cible l’enfance et la jeunesse annoncée par le Président de la République ».
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