Conférence APPRIVOISER LES ÉCRANS ET GRANDIR
Jeudi 31 janvier, à 19h, dans le grand amphithéâtre de la Cité Scolaire Montaigne, l’Union Locale FCPE des 5e et 6e arrondissements (UL 5-6) organisait une conférence-débat sur le thème : « apprivoiser les écrans et grandir », avec la participation d’Olivier Duris[1], psychologue et formateur de l’équipe de Serge Tisseron. La soirée était ouverte à tous les parents d’élèves des 5ème et 6ème arrondissements, de la maternelle au lycée.
Aujourd’hui, tout le monde (ou presque) possède un ou plusieurs écrans dans sa poche ou son sac (smartphones, tablettes), mais aussi à la maison (ordinateur, télévision). De plus, il y a de plus en plus d’écrans dans l’espace public, notamment comme supports publicitaires. Il est donc impossible, de nos jours, d’éviter les écrans. Or, il existe un discours très négatif concernant leur impact sur les enfants. Pourtant, ces appareils étant devenus incontournables, il paraît indispensable d’en apprendre l’usage à nos enfants.
Dès lors, comment les élever en les protégeant des influences néfastes des écrans, tout en leur permettant d’apprendre à s’en servir ? C’est pour aider les parents à répondre à cette question que l’UL 5-6 a organisé cet événement.
L’intervenant a rappelé la règle du 3-6-9-12 énoncée par Serge Tisseron (voir document joint), qui donne des repères pour un accès adapté aux écrans à chaque tranche d’âge, superposables aux grandes étapes de la scolarité de nos enfants. Puis il a développé les bénéfices et risques des écrans à chaque stade, à la lumière du développement psychologique, intellectuel et moteur de l’enfant.
[1] Olivier Duris est psychologue et psychothérapeute, spécialisé dans le suivi des enfants et des adolescents, plus particulièrement dans le rapport qu’ils peuvent entretenir avec les écrans (jeux vidéo, télé, internet…). Il utilise également les jeux vidéo comme médiation thérapeutique dans certains suivis. Plus d’infos sur https://www.olivierduris.fr
Conseils valables à tout âge / réponses aux questions des parents
Parler et faire parler les enfants de ce qu’ils voient sur les écrans.
Laisser les écrans dans la pièce commune ! Ne pas les consulter/regarder à table : le repas est souvent le seul moment où toute la famille est réunie, il est important qu’il soit un espace d’échanges et de convivialité.
Préférer les jeux vidéos qui se jouent à plusieurs pour partager des émotions, du sens…
Il faut toujours poser des limites quel que soit l’âge, quelle que soit l’activité, pour les écrans comme pour les sorties ou la composition des repas !
Comment éviter les cris et pleurs quand on coupe la télé ? Prévenir à l’avance son enfant d’un temps précis de visionnage (compréhensible selon l’âge de l’enfant, comme « 3 épisodes de Tchoupi »), et le laisser finir son dessin animé avant d’éteindre. L’objectif de cette régulation par les parents est de permettre à la fin de l’adolescence d’atteindre une auto-régulation de son temps d’écran. Ceci n’est envisageable que si nous, en tant que parents, nous sommes capables de nous auto-réguler.
Utiliser les écrans pour créer ses propres images (photos, vidéos, graphisme, montages…) : l’écran peut être le support de la créativité de l’enfant/l’adolescent, et ces créations peuvent se partager facilement via les réseaux sociaux.
Avant 3 ans
Il faut distinguer écrans interactifs (smartphone, tablette) des écrans non interactifs (télévision, vidéos) : le bébé qui joue avec un smartphone, avec une application adaptée à son niveau de développement, peut tester la relation de cause à effet, tout comme il le fait avec des jouets traditionnels. Dans ce cas, les écrans peuvent être source d’enrichissement, au même titre que les autres supports ludiques, à condition que le parent accompagne son enfant dans ces jeux. Toutefois, le temps passé devant tout écran doit être limité afin de permettre au bébé de développer, par le jeu avec des objets, sa motricité et sa pensée, en relation avec ses parents.
Les écrans non interactifs sont à proscrire à cet âge de la vie car ils ne s’adaptent pas au bébé, à son niveau de fatigue, à son état émotionnel, comme le fait une personne qui communique avec lui.
Au-delà de l’exposition du tout-petit aux écrans, il est important de ne pas laisser la télévision allumée dans la pièce où joue l’enfant : le parent n’est pas aussi disponible pour l’enfant dans ces moments-là et l’attention de l’enfant à son jeu est troublée. De plus, à tous les stades de son développement, par imitation, l’enfant portera un grand intérêt aux écrans s’il perçoit que son parent en fait autant.
Les recherches statistiques montrent, chez les enfants de moins de deux ans surexposés aux écrans non-interactifs :
- Un retard de langage,
- Un risque de surpoids ultérieur,
- Une attitude passive face à la réalité,
- Un intérêt réduit pour les apprentissages scolaires et une moindre habileté en mathématiques,
- Des effets sur le corps : troubles du sommeil, agitation…
De 3 à 6 ans
La capacité à faire la distinction entre réel et imaginaire apparaît autour de 3-4 ans : à cet âge, les vidéos commencent à avoir à un intérêt pour les enfants, à condition de pouvoir mettre du sens dessus. Ceci explique l’intérêt des films courts et des visionnages répétés des mêmes dessins animés pour les comprendre dans leur ensemble, ce qui permet d’éviter une angoisse destructurante. Il est primordial d’être avec son enfant quand il regarde la télévision, et de parler avec lui de ce qu’il voit sur les écrans (80% des programmes télé ne sont pas adaptés aux moins de 6 ans !).
De 6 à 9 ans
C’est à cet âge que les jeux vidéo deviennent véritablement intéressants (ils risquent de détourner l’enfant plus jeune d’activités qui engagent son corps et accaparent son attention) : ils stimulent les capacités de concentration, d’innovation, de décision rapide, de résolution collective des problèmes. Ils préparent à la réflexion stratégique, la créativité, la coopération et le sens de l’innovation (points essentiels dans le monde du travail aujourd’hui).
Les jeux choisis par les enfants sont ceux auxquels jouent leurs copains. En tant que parents, il faut se renseigner sur le contenu de ces jeux (repères PEGI, sites spécialisés qui en donnent une description), comme on se renseigne sur le contenu d’un programme télé ou d’un film avant d’aller au cinéma.
A cet âge, il faut encore accompagner son enfant sur internet car il ne peut pas encore distinguer espace intime/espace public, et croit encore que tout ce qui est écrit est vrai.
De 9 à 12 ans
C’est l’âge de la découverte d’internet, des jeux vidéo en réseau, et des premières demandes pour posséder un téléphone portable.
Bien expliquer à son pré-adolescent les 3 règles d’internet :
- tout ce qu’on met sur internet peut tomber dans le domaine public,
- tout contenu peut y rester éternellement,
- et tout ce qu’on y trouve est indécidable (on ne sait pas si c’est vrai ou faux).
Les jeux en réseau permettent un contact social, ils développent la curiosité et le travail collectif, et incitent chaque joueur à comprendre et trouver son place dans un groupe. Il faut toutefois faire attention aux dangers : les contenus violents de certains jeux vidéo, la difficulté à réguler le temps passé devant les écrans. Les usages problématiques des jeux vidéo peuvent être le signe de problèmes sous-jacents (anxiété, dépression, problème d’estime de soi, violence scolaire, deuil…)
A partir de cet âge, il convient de distinguer l’usage ludique de l’usage éducatif des écrans (recherches pour un exposé vs jeux en ligne)
Après 12 ans
C’est l’âge de l’adolescence : l’enfant s’affranchit des repères de la maison.
Quelques conseils pour continuer à encadrer son ado sans être trop sur son dos :
- établir des règles sur le temps et les horaires de connexion,
- éviter les connexions nocturnes et solitaires,
- expliquer le téléchargement illégal, le plagiat, la pornographie et le cyber-harcèlement,
- ne pas être son “ami” sur les réseaux…
- … mais parler avec lui de ce qu’il fait avec les écrans.
Les réseaux sociaux sont un espace d’expérimentation sociale. Ils ne créent pas une faible estime de soi, mais peuvent l’aggraver (on ne met que ce qui est parfait de sa vie sur les réseaux).
Un adolescent qui passe beaucoup de temps à jouer aux jeux vidéo n’est pas forcément un ado mal dans sa peau ou replié sur lui-même : il est important à cet âge de distinguer les jeux en réseaux avec les copains des jeux solitaires.
Le monde de l’informatique et des jeux vidéos est un secteur économique en essor : les adolescents qui y passent beaucoup de temps peuvent aussi y trouver une piste d’orientation professionnelle.
En conclusion
Les écrans, en eux-mêmes, ne sont ni diaboliques, ni idéaux : ce sont des outils qui peuvent tout autant créer du lien qu’isoler.
Pour aller plus loin
- Livre de S. Tisseron “3-6-9-12 Apprivoiser les écrans et grandir”
- L’enfant et les écrans disponible en ligne mais non imprimable
- Site internet https://www.3-6-9-12.org : des ressources pour les différents âges et la possibilité de s’inscrire à une newsletter.