Affelnet 2021 : les dessous de l’intégration des établissements scolaires privés
Une des grandes nouveautés de la procédure Affelnet 2021 est l’intégration des lycées privés à la procédure d’affectation. Cette décision de l’Académie de Paris a de quoi surprendre, et heurter les défenseurs de l’école publique que nous sommes. Les motivations de cette nouveauté et les conséquences attendues sont cependant à examiner avec attention avant de prendre position.
Lutter contre les doubles inscriptions public-privé
L’année 2020 a vu se produire une campagne d’affectation traumatisante pour les élèves de 3ème et leurs parents, avec au bilan plus de 800 élèves sans affectation à l’issue du premier tour Affelnet, parmi lesquels de nombreux élèves toujours sans affectation la veille de la rentrée ! Associations de parents comme Académie ont exprimé le vœu qu’une telle situation ne se reproduise pas.
Dans le cadre de la refonte d’Affelnet pour combattre les lycées de niveau tout en favorisant la mixité sociale, le Rectorat a entrepris des démarches, de prime abord surprenantes, pour intégrer les lycées privés à la procédure d’affectation en seconde. La première réaction de la plupart des adhérents de la FCPE fut une certaine incrédulité face à la visibilité ainsi donnée à des établissements privés sur une plateforme mise en ligne par le Rectorat ! Les explications qui nous ont été données sont les suivantes : on sait que sur Paris, environ 1 000 élèves font des doubles inscriptions à la fois dans des lycées publics et privés pour finalement partir dans le privé pour la majeure partie d’entre eux. Dans le meilleur cas de figure, ces élèves ne font pas de dossier d’inscription en juillet et leur place peut être réattribuée rapidement à un élève non affecté. Certains parents poussent cependant le système jusqu’à inscrire leur enfant dans le lycée public où il a été affecté pour ensuite ne pas se présenter à la rentrée ! Cette situation est intenable car 1 000 places sont ainsi conservées aux dépends d’élèves non affectés, dans l’attente et le désarroi.
Forcer les parents à choisir en amont entre une affectation dans le public et le privé
Le Rectorat a décidé d’intégrer les affectations en lycée privé sur le même modèle que les affectations en cursus à recrutement spécifique (voir notre article). Les parents devront déposer un dossier auprès de(s) établissement(s) privé(s) de leur choix, et le mettre en tête de liste sur leur fiche de vœux. Les trois grands réseaux représentant l’enseignement privé à Paris ont signé des conventions avec l’Académie afin que ces inscriptions soient communiquées au Rectorat. Les élèves sont alors affectés dans ces établissements et ne seront pas intégrés aux procédures d’affectation Affelnet. Cela permettra de ne pas bloquer des places dans les établissements publics pour des élèves qui n’avaient pas l’intention d’y aller.
Des parents s’insurgent de ce procédé qui empêche les élèves de faire une candidature “de secours” au cas ou le cursus spécifique ou le lycée souhaité n’aurait pas été obtenu. La FCPE Paris estime que cette procédure permettra aux parents de faire un choix clair entre les deux systèmes de scolarisation et ne délaissera plus des élèves non affectés pour le “confort” de parents qui font peser leur “incertitude” sur leur choix du système sur des élèves qui restent dans l’attente d’une affectation et dans l’angoisse jusqu’à la rentrée.
Une des craintes de nombreux élus et adhérents de la FCPE est qu’une telle mesure favorise une “fuite” des collégiens du public vers les lycées du privé. Les données actuelles montrent que c’est l’inverse : de nombreux élèves scolarisés dans des collèges privés souhaitent revenir dans le système public au lycée pour bénéficier de l’offre éducative plus diversifiée que celle des établissements privés. Par ailleurs, le Rectorat déclare avoir refusé l’ouverture de nouvelles divisions dans les lycées privés sous contrat pour la rentrée 2021. Ceux-ci ne pourront donc pas augmenter leurs capacités d’accueil. Le retour des élèves de collèges privés vers le lycée public pose toutefois la question de la manière de donner une priorité aux élèves scolarisés dans les collèges publics.
Par quel mécanisme légal peut-on favoriser l’affectation des élèves issus des collèges publics par rapport à ceux venant des collèges privés ?
Jusqu’à présent, les élèves de 3e des collèges publics et privés étaient traités de la même façon dans la procédure d’affectation Affelnet 2nde. Les tentatives d’affecter en priorité les élèves issus de collèges publics ont été jugées illégales et retoquées. La procédure actuelle profitait donc aux établissements privés élitistes car leurs élèves, souhaitant poursuivre leur scolarité dans l’enseignement public, y parvenaient avec de très bons dossiers scolaires, bénéficiant parfois d’une notation plus large que les élèves des collèges publics.
Dans la future procédure Affelnet, l‘introduction d’un bonus IPS (Indice de Position Sociale) par établissement permet de donner une priorité aux élèves des collèges publics puisque la très grande majorité des collèges privés ne bénéficieront pas de bonus, et les élèves auront donc moins de points. Seuls 11 collèges privés ont un IPS intermédiaire, tous les autres étant dans le groupe des établissements favorisés. Parmi les élèves de ces collèges privés socialement mixtes, la majeure partie reste dans des établissements privés en lycée.
Un autre avantage pointé par l‘économiste Julien Grenet est que le recrutement dans les établissements privés sera maintenant visible et qu’il sera plus facile d’analyser les mécanismes de ségrégation sociale à l’œuvre dans ces établissements, contrairement à aujourd’hui oùl’absence de transparence domine.
Néanmoins, le calcul et l’utilisation de l’IPS posent des questions et les indicateurs de mixité sociale restent à mieux définir.