La généralisation des PIAL (Pôles inclusifs d’accompagnement localisés) : des économies sur le dos de l’inclusion !

Adoptée le 19 février dernier en première lecture devant l’Assemblée Nationale, le projet de loi « pour une école de la confiance » », porté par Jean-Michel Blanquer, va arriver prochainement, en avril, en deuxième lecture au Sénat. Il comporte un certain nombre de facettes que la FCPE Paris juge inquiétantes, dont la généralisation des PIAL (Pôles inclusifs d’accompagnement localisés). En complément du communiqué publié le 19 mars demandant aux parlementaires de ne pas voter la « loi Blanquer », la FCPE fait un focus sur ces PIAL qui vont pénaliser les élèves quant à la qualité de l’accompagnement, autrement dit les sacrifier sur l’autel des économies budgétaires.
Sur le papier il est écrit : « Des pôles inclusifs d’accompagnement localisés sont créés dans chaque département. Ils ont pour objet principal la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires de l’enseignement public et de l’enseignement privé sous contrat. Ces dispositifs visent à mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de l’élève en situation de handicap en vue du développement de son autonomie. »
Dans les faits, le ministère veut revoir la gestion des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) en passant d’une gestion basée sur les élèves à une gestion par établissement. Chaque établissement, ou groupe d’établissements, aura un volume d’emplois qu’il affectera selon les besoins. Ce sont les PIAL. L’objectif est de limiter les affectations personnelles des AESH au profit d’affectations collectives. Et ainsi de réduire leur nombre.
Ces PIAL avaient déjà été présentés au Sénat en 2018 par Philippe Thurat, sous-directeur du budget de la DGESCO, lors de la présentation du rapport d’enquête de la Cour des Comptes sur l’usage des contractuels par l’Education Nationale. Sous couvert de « mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de l’élève en situation de handicap en vue du développement de son autonomie », le ministre souhait en fait faire de la gestion des ressources humaines ! Celle des plus de 100 000 AESH embauchés par le Ministère.
Le discours aux familles se veut rassurant, la réalité et les perspectives bien moins.
En effet, le principe de ce nouveau dispositif est d’affecter auprès d’un seul agent le plus grand nombre d’élèves possible. Actuellement, un accompagnant peut être affecté auprès de six élèves soit sur un ou deux établissements, soit dans un seul établissement sur plusieurs classes, voire dans une même classe. Dans le cadre d’un emploi temps plein à 41 heures, elle/il accompagnera 15 heures l’un, 5 heures l’autre et 21 heures les quatre autres : les deux premiers élèves devant bénéficier d’une aide individuelle, tandis que les quatre derniers ont droit à une aide mutualisée. Il est d’usage de fixer la quotité horaire de l’aide mutualisée comme suit : six, huit, dix, douze ou quinze heures. C’est le caractère flou de l’aide mutualisée qui génère des accompagnements perlés. Dans l’exemple d’accompagnement ci-dessus, les élèves devant bénéficier d’une aide mutualisée sont pénalisés dans la mesure où cette aide a systématiquement été ramenée à la plus petite quotité horaire prévue dans le cadre de la mutualisation des moyens humains. Dans le cadre du dispositif PIAL, les élèves seront donc pénalisés quant à la qualité de l’accompagnement qu’ils sont en droit d’attendre de l’Education nationale, laquelle doit, sans les sacrifier sur l’autel de l’économie, répondre à leurs besoins éducatifs afin de les mener au mieux vers l’autonomie. A travers ce dispositif, l’objectif est de réduire drastiquement l’aide individualisée au profit d’une aide mutualisée. A travers les PIAL, c’est bien une logique comptable qui domine et ceux-ci n’ont été inventés par la DGRH du MEN que pour répondre quantitativement à la demande inflationniste des besoins en accompagnement des élèves plutôt que qualitativement (prévision de 13% de notifications d’aide humaine par an).
Comme d’autres sujets du projet de loi Blanquer, ces PIAL ont été décrétés par le Ministère sans concertation préalable avec les fédérations de parents, syndicats, enseignants, chefs d’établissements, associations, sans évaluation, sans cadre et sans moyens. Comme si une simple présentation d’expérimentations dans une concertation-mascarade pouvait valoir approbation des acteurs de l’inclusion scolaire.
Cette mesure inquiète aussi par son impréparation complète : le Ministère prévoit la création de 2000 PIAL à la rentrée 2019 mais nulle trace en lien dans le PLF 2019…
Pour les professionnels de l’inclusion scolaire, l’instauration des PIAL en serait l’amorce de la destruction de l’école inclusive. Avec cette mutualisation forcée des AESH, on va assister à un saupoudrage d’accompagnement confié aux chefs d’établissements. Le plus grave étant que la mise en œuvre et l’application du PPS de l’élève seraient à l’initiative de l’équipe éducative, non formée au diagnostic.
Très clairement il s’agit de retirer le pouvoir décisionnel aux MDPH, actuellement prescriptrices de l’aide humaine. En créant ces PIAL et en leur retirant la gestion des accompagnants, le Ministère de l’Education nationale veut maîtriser la gestion de ces moyens humains afin de limiter l’accroissement du nombre d’accompagnants.
Et dans le même temps, les parents ont mille fois raison de s’inquiéter des effets pervers de tout cela : « On imagine aussi le stress d’un TSA qui aurait 1h AVS A, 2h AVS B, 2h AVS C et 1h AVS D alors qu’il a besoin de continuité et de permanence, voire d’être apprivoisé par une seule personne, si possible formée… ».
Il est totalement irresponsable et contraire au droit de faire relever l’évaluation des besoins des enfants uniquement par des professionnels de l’Education nationale. Les personnels de l’Education nationale ne sont pas qualifiés pour accéder aux informations d’ordre médical. Ils n’ont aucune compétence pour apprécier correctement les compétences cognitives et comportementales des enfants, ainsi que leurs possibilités de développement. Un tel fonctionnement remettrait en cause directement le droit à une évaluation des besoins de l’enfant tel que l’édicte l’article L112-2 du Code de l’éducation.
L’inscription dans la loi de Pôle d’Inclusif d’Accompagnement Localisé (PIAL) n’est que le moyen de priver l’enfant de droits spéciaux (droit à compensation) ouverts par la MDPH (et donc opposables) en contournant celle-ci par un dispositif interne à l’éducation nationale qui attribue en fonction de ses moyens et non des besoins de l’enfant. C’est donc priver l’enfant et sa famille de droits donnés par la loi de 2005 pour s’exonérer de ses obligations de moyens.
L’expérimentation conduite depuis la rentrée 2018 sur le PIAL que le ministre entend généraliser à la rentrée 2019 se veut être l’application de l’organisation administrative de l’Italie qui scolarise depuis les années 1970 tous ces enfants, sauf que l’Italie a donné les moyens à ses écoles, ce qui n’est pas le cas de la copie de Monsieur Blanquer !
Plus globalement, cette vision financière de l’inclusion est une insulte faite aux élèves de l’Ecole de la République, c’est pourquoi la FCPE Paris affiche son opposition à ce dispositif, surtout que son évaluation n’a même pas été menée après la phase expérimentale.
L’inclusion n’est décidément pas la priorité de ce ministère puisqu’il n’y aura pas de contrats pérennes pour les AESH mais des CDD de 3 ans renouvelables qui pourront déboucher sur une embauche définitive. Pas non plus de limitations des effectifs dans les classes recevant des élèves à besoins éducatifs particuliers comme cela a été proposé récemment dans des propositions de loi de députés de l’opposition.
Retrouver la position de la FCPE Paris sur le projet de loi Blanquer…
La FCPE Paris vous recommande la lecture de cette carte mentale réalisée par Natacha Foucot :