Toilettes à l’école : “ne tournons pas autour du pot !”
“Ne tournons pas autour du pot !” : c’est le nom d’un appel à projet lancé dans les écoles Belges qui vise à améliorer l’état, l’accès, l’utilisation et la gestion de leurs sanitaires, par le biais d’aménagements matériels et d’actions de sensibilisation. Chez nos voisins Wallons, c’est la 5ème campagne de ce type : une occasion de nous interroger sur ce qu’il en est dans les écoles de nos enfants.
CHIFFRES ACCABLANTS
Un sondage réalisé en octobre-novembre 2019 auprès d’enfants de 6 à 11 ans et de leurs parents met en évidence que plus de 2/3 des enfants d’école élémentaire (70%) affirment qu’il est moins facile pour eux d’aller aux toilettes à l’école qu’à la maison. Plus précisément, 55% déclarent n’y aller que quand ils ne peuvent plus se retenir (et même 7% ne jamais y aller). Notons que ce phénomène massif concerne l’ensemble des enfants de 6 à 11 ans, sans distinction de sexe ou d’âge. Parmi ceux qui utilisent les sanitaires de l’école, 69% n’y font qu’uriner, et se retiennent systématiquement de déféquer sur le lieu scolaire.
En 2014, déjà, une étude menée par l’ONS (Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement) dans le secondaire, soulignait que près d’un collégien et d’un lycéen sur trois n’utilisait jamais les toilettes scolaires.
En 2007, 7% des écoliers n’utilisaient jamais les toilettes de leur école, et 43% ne le faisaient que quand ils y étaient vraiment obligés.
Le peu d’évolution de ces chiffres depuis 12 ans est particulièrement préoccupant. Pourquoi un tel évitement ?
Les réponses des enfants sont claires sur ce point : les toilettes de l’école sentent mauvais (66%), sont souvent sales et il y fait froid (59%). Travailler sur l’hygiène dans cette partie essentielle des locaux scolaires apparaît donc comme primordial, notamment sur la présence de papier, savon, essuie-mains tout au long de la journée.
Cependant, la question de l’intimité et de la sécurité, bien que secondaire dans les réponses au sondage, est un point essentiel pour expliquer l’évitement des sanitaires par les élèves : 63% d’entre eux indiquent que les portes ferment mal, 51% considèrent que les toilettes sont « un lieu où des enfants embêtent d’autres enfants », sans parler des moqueries des camarades. Dans trop d’écoles, au prétexte de respecter leur intimité, les toilettes sont des zones de non-droit pour les élèves, du fait d’une absence totale de surveillance par les adultes.
Quelles en sont les conséquences ?
Se retenir durant toute la journée d’aller aux toilettes a des conséquences sur la santé de nos enfants : pour éviter d’utiliser les sanitaires, les enfants ne boivent pas (ou pas assez) pour la moitié d’entre eux, essayent de penser à autre chose (64%), serrent le ventre/les fesses (59%). Ces stratégies sont coûteuses, et les enfants le disent : « 70% des enfants concernés admettent que c’est difficile de se retenir, 67% que cela fait mal au ventre et 64% que cela les empêche de se concentrer sur leur travail. » Ainsi, l’accès aux sanitaires peut-il avoir des conséquences directes sur les capacités attentionnelles des élèves, et donc sur leurs apprentissages.
De plus, au-delà de ces stratégies conscientes, et des douleurs abdominales qu’elles impliquent, le fait de se retenir de façon répétée et prolongée peut conduire à des infections urinaires, des constipations et des troubles d’incontinence urinaire et/ou fécale.
Sur le plan psycho-affectif, il est également essentiel d’apprendre aux enfants à être à l’écoute de ses sensations corporelles : c’est à ce prix que nos enfants seront capables de manger selon leur satiété, de s’habiller de façon adaptée à la météo, de respecter et faire respecter leur propre corps et celui des autres.
Ce sondage n’évoque pas les jeunes filles déjà pubères à l’école élémentaire qui, ne trouvant pas toujours de poubelles dans les sanitaires, se retrouvent dans l’impossibilité de changer de protection dans une certaine intimité : quels sentiments d’isolement et d’exposition peuvent alors les traverser et les mettre à mal !
Enfin, pour supporter des heures entières de collectivité, pouvoir retrouver quelques minutes d’intimité de temps en temps peut être d’un grand secours : quel adulte n’y a jamais eu recours au travail ou au cours d’une fête de famille ? Refuser ce refuge aux élèves peut constituer un facteur menant à un climat scolaire plus délétère. En 2008, Philippe Meirieu déclarait : « On ne dit pas assez à quel point cette impossibilité totale de trouver l’intimité nécessaire et l’environnement accueillant entraine (les écoliers) vers une sorte de déni complet de ces réalités physiques. »
Comment y remédier ?
Selon ce récent sondage Harris, les enfants de 6 à 11 ans et leurs parents réclament non seulement plus d’hygiène, mais aussi un meilleur accompagnement pédagogique sur l’explication des règles qui s’appliquent dans les sanitaires.
La FCPE a toujours milité pour que l’école soit pour nos enfants non seulement un lieu d’apprentissages mais aussi un lieu de vie. Cette année, la FCPE Nationale en a fait un thème incontournable en mettant cette question en avant dans ses vœux pour l’année 2020, rappelant que l’accès aux sanitaires est un enjeu de prévention et de santé publique.
Des solutions existent, et la FCPE Paris a depuis longtemps levé le tabou sur ce sujet, réclamant ;
- une vraie éducation des élèves à l’hygiène et à l’usage citoyen des espaces toilettes dans toutes les écoles et établissements parisiens
- la prise en compte des besoins des jeunes filles pubères dans les écoles et le secondaire
Pour la prise en compte des besoins primaires de nos enfants dans leur école, la question des sanitaires doit être évoquée aux Conseils d’École et Conseils d’Administration sans tabou, avec une réelle exigence d’accueil respectueux de tous les élèves.
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