Rentrée 2016 à la loupe : un nouveau cap pour l’Académie ?
Le 19 octobre 2016 s’est tenu au Rectorat de Paris le premier CDEN (Conseil départemental de l’éducation nationale) de l’année scolaire 2016-2017. L’occasion pour la FCPE Paris de faire part de ses demandes et des remontées de ses conseils locaux sur les principaux points de tensions et leurs inquiétudes depuis la rentrée. Remplacements, mise en œuvre de la réforme du collège, Affelnet 6e et seconde, mixité scolaire, orientation, nouveau PEDT, scolarisation des moins de 3 ans, reconstitution des RASED, effectifs et inclusion… Beaucoup de dossiers sur lesquels l’Académie et la Ville avancent des positions encourageantes sur les principes mais avec des réponses encore trop partielles ou imprécises en termes de moyens et de méthode.
Des mesures en demi-teinte pour garantir la continuité du service public d’éducation à Paris
Comme les syndicats enseignants, la FCPE a regretté l’absence du Recteur retenu pour une réunion avec le Préfet. Elle a ensuite tenu à porter à l’attention de l’Académie et de la Ville plusieurs demandes en formes d’alertes.
Elle a rappelé en tout premier lieu l’impérieuse nécessité d’une réflexion globale et de mesures concrètes et urgentes pour garantir la continuité du service public d’éducation à Paris. Elle a d’abord demandé la mise en place d’une nouvelle gestion efficace des remplacements, notamment dans le second degré où la situation est, six semaines après la rentrée, catastrophique : déjà 365 jours de classe perdus en collèges et en lycées selon l’outil Ouyapacours. Pour que les annonces de la Ministre faites la veille du CDEN ne restent pas lettres mortes, il y a urgence à réagir et à proposer des solutions dès cette année scolaire. Des solutions qui doivent concerner : la mise en place d’un vrai outil académique de gestion RH (pour la carte des besoins et l’anticipation) ; le renforcement du potentiel de remplaçants ; des protocoles de remplacement de courte durée enfin activés partout dans le second degré ; une meilleure information des parents.
La FCPE Paris a également précisé que la continuité du service public passait aussi par le respect du calendrier scolaire avec un vrai troisième trimestre dans les collèges et lycées. Dernier trimestre qui paraît chaque année plus amputé, avec des conséquences fâcheuses sur le déroulé des séquences d’enseignement et surtout la qualité des apprentissages.
Le nouveau directeur de l’Académie, Jean-Michel Coignard, a bien confirmé « un problème chronique sur le remplacement ». Sur le premier degré, l’Académie se dit optimiste avec cette année « un renfort des moyens et une nouvelle organisation des remplacements » mais sur le second degré elle explique que « le souci est multi facteurs » avec plusieurs vrais défis : pourvoir les postes ouverts au concours, résoudre le problème des flux entrants-sortants dans l’académie, améliorer le suivi RH et mieux accompagner les viviers de contractuels avant et après le concours. Le directeur de l’Académie confirme aussi la nécessité de mettre en place de nouveaux outils avec une nouvelle proximité opérationnelle avec les chefs d’établissement.
Retard à l’allumage pour la concertation sur la mixité sociale et scolaire à Paris
Immédiatement identifiée par les syndicats enseignants comme l’enjeu majeur de cette année scolaire, la question de la mixité sociale et scolaire a fait l’objet de nombreux échanges. La FCPE a immédiatement déclaré qu’au-delà des « faits divers », des coups et des emballements médiatiques, la seule urgence, c’était de mettre tout le monde autour de la table et de tout mettre sur la table pour chacun des dossiers « chauds » sur lesquels courent pour l’instant plus de rumeurs que d’informations claires de la part de la Ville et de l’Académie : Affelnet Seconde, Affelnet 6e ou secteurs multi-collèges.
Avec une demande très claire : réunir sans plus attendre enseignants, parents, élus, chercheurs indépendants pour traiter tous les sujets, même ceux qui fâchent. C’est-à-dire l’analyse fine et croisée des cartes de la difficulté sociale et scolaire, le retour sur les vraies pratiques d’établissement pour la constitution des classes et l’orientation en première après les affectations par le net en seconde, le suivi des nombreuses logiques d’évitement scolaire, les exigences à avoir vis-à-vis de l’enseignement privé sous contrat, le renforcement des dispositifs de discrimination positive pour « donner plus aux établissements qui ont moins », les modalités de prise en compte de la nouvelle évaluation par compétences dans les critères Affelnet, la redéfinition d’accès prioritaires sur des contingents de places, la gestion pédagogique par les enseignants de la mixité au sein des classes, etc…
Interpellés par les enseignants et les parents sur les annonces de rentrée de l’ancien recteur Weil concernant un Affelnet 6e à la rentrée 2017, le directeur de l’Académie a tenu à préciser immédiatement le cadre de réflexion à avoir pour couper court à tout malentendu et polémique inutile.
Concernant l’entrée en 6e, Jean-Michel Coignard a confirmé « l’absence de volonté de révolutionner les affectations pour la rentrée 2017 ». Si un nouvel outil a bien été commandé par l’Académie, celui-ci n’a pas encore été livré. S’il arrive à l’automne, deux scénarios possibles : soit il arrive trop tard et l’Académie se contentera de le tester « à blanc », en parallèle de la procédure habituelle. Soit il arrive dans des délais raisonnables et il sera utilisé a minima pour les affectations des quelques secteurs multi collèges qui devraient voir le jour en septembre prochain. Et même dans ce cas, cela ne se fera qu’« après discussion sur le paramètrage nécessaire ».
Concernant l‘évolution de la procédure Affelnet 2nde, suite aux ratés de l’an dernier dont le « bug Turgot » fut le miroir grossissant et emblématique, l’Académie confirme la mise en place d’un groupe de travail qui démarrera mi-novembre et associera les parents. C’est donc le retour du fameux « comité de pilotage Afflenet » que la FCPE demandait depuis trois ans au Recteur.
Plus largement sur la question de la mixité sociale et scolaire, le directeur de l’Académie a estimé que « l’on a un déjà un corpus récent et intéressant » et que désormais c’est plutôt « un regard infra-ville qui est nécessaire ». L’Académie confirme le scénario de plusieurs leviers à réarticuler : la sectorisation, les modes d’affectation et la carte de l’offre de formations. A ce titre, la Ville et l’Académie sont sur la même ligne : l’expérimentation est faisable sur les secteurs multi collèges mais celle-ci ne sera pas le seul moyen à activer pour améliorer la mixité sociale et scolaire. La Maire du 12e a aussi rappelé combien il est essentiel de « rendre attractifs “physiquement” les collèges publics parisiens » avec des investissements sur leurs équipements.
La Ville a informé qu’elle était actuellement en discussion avec les Maires d’arrondissement pour évoquer avec eux les secteurs d’expérimentation possibles. La FCPE a redit à plusieurs reprises combien il était impératif de donner immédiatement le calendrier de concertation pour les expérimentations secteurs multi collèges, et Alexandra Cordebard, adjointe à l’éducation d’Anne Hidalgo, de répondre que les dates seraient données à la rentrée des vacances de la Toussaint.
Des avancées sur le suivi qualitatif et transparent des réformes
La FCPE Paris a aussi insisté que le fait qu’il est essentiel, pour tous les acteurs et partenaires éducatifs, de disposer et d’échanger, à intervalles réguliers, des informations précises sur la mise en place des réformes nées de la loi de Refondation. Que ce soit sur la mise en place très diverse de la réforme du collège, sur la très attendue évaluation par compétences, sur les effets contestés des PEDT sur la réussite scolaire, sur la trop lente montée en puissance de la scolarisation des moins de 3 ans ou sur la consolidation de l’éducation prioritaire, la FCPE a demandé que l’Académie se dote d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs plus fins et surtout fasse en sorte de nouer un nouveau « dialogue social éducatif » capable d’exister concrètement sur les territoires comme dans toutes les instances représentatives.
Le directeur de l’Académie a confirmé que le suivi des réformes était une priorité pour l’Académie, expliquant le dispositif déjà déployé pour « accompagner les gestes pédagogiques » des enseignants dans le cadre de la réforme du collège, qui seront autant d’occasions de voir comment se met en place cette réforme qui nécessite des changements en profondeur et donc sur la durée. M. Coignard a précisé que le CDEN du 26 janvier pourrait sans doute être l’occasion d’un premier « zoom » retour sur la mise en place de la réforme du collège. De même, répondant à une demande de la FCPE, M. Coignard a acté qu’un point d’information sur le conseil école-collège à destination des familles serait fait lors du CDEN de janvier.
Comme sur la scolarisation des moins de 3 ans, la position des syndicats enseignants sur la mise en place de la réforme du collège à Paris a été très pessimiste et, disons-le, inquiétante pour des oreilles de parents. Pour les syndicats enseignants, « on a pris sur les lycées pour financer le maintien des moyens dans les collèges », « on ne voit pas l’effet “60000 postes ” », la 2e langue en 5e c’est un « combat inutile qui fatigue déjà les profs »… Un « tableau très sombre » que le nouveau directeur de l’Académie a dit fortement regretter. Celui-ci a d’ailleurs appelé à la responsabilité des enseignants pour « créer un fil volontariste et volontaire » pour progresser collectivement.
Une attention toute particulière au climat scolaire
Dans un contexte global fortement marqué par des inquiétudes sociétales protéiformes, la FCPE a posé comme enjeu majeur le fait de préserver encore plus l’espace scolaire comme lieu de socialisation, d’expression et d’apprentissages sereins. Si les demandes et les mesures ne cessent d’augmenter, à juste titre, pour sécuriser les établissements contre la menace terroriste, il convient aussi et dans le temps de sécuriser les élèves, leurs apprentissages, leurs parcours, et bien sûr leurs enseignants.
Comme l’expérience de plusieurs établissements le montre encore depuis la rentrée, la détérioration du climat scolaire dans une classe, dans une école, un collège ou un lycée peut être brutale, avec parfois des conséquences sur plusieurs années. La FCPE a appelé l’Académie et la Ville à une posture de responsabilité : celle qui consiste à écouter vraiment les « lanceurs d’alertes » qui sont sur le terrain, qu’ils soient élèves, parents, enseignants ou élus.
Le directeur de l’Académie s’est dit personnellement convaincu de l’importance de cette question du climat scolaire. Il a promis un « rendu compte à venir sur l’axe 5 du projet académique consacré justement au climat scolaire ».
D’indispensables rappels aux valeurs
Syndicats enseignants et FCPE ont interpellé la Ville sur la nécessité de prendre clairement position pour défendre le principe même de l’école publique en prenant officiellement ses distances avec d’éventuelles initiatives de start-up, même parisiennes, pour créer des écoles privées dites innovantes à la rentrée prochaine.
Sur l’inclusion aussi, la FCPE a appelé au respect des valeurs pour des objectifs clairement identifiés et non encore atteints. Face aux réserves des enseignants pour qui l’inclusion n’est pas possible ou souhaitable partout compte tenu des effectifs chargés et de la difficulté des publics scolaires, la FCPE a demandé que l’on procède plutôt à des diagnostics précis et communs, territoire par territoire, des cadres et des moyens souhaitables pour une inclusion au vrai bénéfice des élèves.
Des chiffres, tous les chiffres mais pas que des chiffres
Les analyses des bilans chiffrés de rentrée pour le premier degré comme pour le second degré ont été l’occasion pour la direction de l’Académie de témoigner d’un peu plus de volontarisme qu’à l’accoutumée. En effet, Jean-Michel Coignard a déclaré qu’au Ministère, le « dialogue de gestion » devrait « aller au-delà des flux de démographie scolaire ». Pour lui, « le volontarisme sur ce dossier sera partagé avec les élus parisiens ». Gageons que la FCPE, les enseignants et les conseillers de Paris sauront le lui rappeler lors du CDEN de carte scolaire du printemps prochain.
Interpellé sur la reconstitution insuffisante des RASED, le directeur de l’Académie a convenu que les postes de RASED offraient « un service très important à maintenir, notamment les psychologues scolaires » et qu’une « latitude devrait être possible pour l’an prochain pour faire évoluer ce dossier ». Affaire — et promesse — à suivre donc.
Si parents et enseignants sont depuis toujours d’accord pour sortir d’une logique d’arbitrage purement arithmétique pour décider de la création ou de la suppression de postes en fonction de la seule hausse ou baisse des effectifs, ils ont une fois encore, et d’une même voix, demandé la parfaite et complète transparence sur les effectifs premier et second degrés. Avec notamment des chiffres sur les « moyennes par classe » en EP et HEP, statistiques à ce jour non transmises.
Comme l’a rappelé l’adjoint aux affaires scolaires du 19e arrondissement, les mesures de carte scolaire devront « continuer l’an prochain dans une logique de carte scolaire qui ne soit pas purement arithmétique » mais destinées à « accompagner qualitativement les territoires ».
Le PEDT, toujours un point de crispation
Trois ans après la mise en place du premier PEDT (projet éducatif territorial) et la réforme des rythmes scolaires, la carte de l’apaisement n’est toujours pas de mise, du moins dans les déclarations officielles côté syndicats enseignants. Pour le SNUIPP, le document du nouveau PEDT signée à la rentrée 2016 n’est « pas un document de travail mais un document de propagande politique » de la part de la Ville. C’est parce qu’avec lui, et « avec la complicité coupable de l’Académie », « le temps scolaire a perdu de sa centralité par rapport au temps périscolaire » que « le seul cadre de référence des enseignants, ça restera les programmes ». Pour le SNUDI-FO, « la rédaction du PEDT s’est faite dans le dos des syndicats » et SUD Education déplore que « ce PEDT impose une mainmise de la Ville sur le temps scolaire via des horaires jamais re-débattus ».
La FCPE Paris a pointé le besoin de sortir des affrontements de principe qui continuent plus de 3 ans après, et elle a rappelé plusieurs de ses demandes et positions déjà largement connues ainsi que sa grande frustration quant à la maquette de la maternelle. Elle a ensuite questionné l’Académie pour connaître, d’une part, précisément le statut du document PEDT afin de savoir ce qu’il impose (ou non) aux enseignants et, d’autre part, la nature du processus d’évaluation du PEDT en termes de « réussite scolaire » cette fois.
L’Académie a rappelé combien « l’offre éducative globale est un principe ancien, avec tout un tas de politiques menées depuis des décennies pour améliorer l’offre sur les temps complémentaires de l’enfant ». La convention signée dans le cadre de ce PEDT est « en prolongement et en complément » du service public d’éducation. Le directeur de l’Académie a confirmé la nécessité d’une évaluation selon deux objectifs : pour voir si cela améliore la réussite scolaire, pour savoir s’il y a des activités complémentaires plus performantes que d’autres dans cet objectif-là.
Le Dasen 1 a précisé que Catherine Moisan (ex directrice DEPP, DGESCO et DASCO Paris) a accepté de construire l’évaluation du PEDT. Quant au statut du PEDT, la FCPE Paris s’est vu répondre que c’est une « feuille de route » avec « des objectifs clairement affichés, des actions qui se mettront en place partout, d’autres à certains endroits avec plus ou moins de volontarisme », mais que « ce n’est pas un document contraignant ». Autant le dire clairement, la continuité et la cohérence éducative ont encore du plomb dans l’aile au sortir de ce CDEN parisien.
Vous pouvez retrouver ici les trois déclarations liminaires faites par la FCPE Paris qui dispose de 6 sièges au sein du CDEN :
– la déclaration générale faite par la présidente de la FCPE 75, Isabelle Rocca