Menaces sur l’Education Prioritaire : la FCPE Paris en alerte

La remise du rapport Mathiot-Azéma « Mission Territoires et réussite » le 5 novembre 2019 à Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’éducation nationale et Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement, relance le débat sur l’avenir de la politique d’éducation prioritaire.
Ce rapport s’inscrit dans la continuité d’une série de rapports très critiques depuis 2017 à l’encontre des résultats de la politique d’éducation prioritaire (Cour des comptes, France Stratégie, Rapport des sénateurs Lafon Roux). La particularité de ce rapport est de ne pas porter uniquement sur l’éducation prioritaire mais sur l’hétérogénéité des configurations territoriales et les liens avec la réussite scolaire.
Jean-Michel Blanquer a accueilli positivement ce rapport tout en prenant ses distances. Il a indiqué toutefois des premières mesures à la rentrée 2020 et une réforme de l’éducation prioritaire pour 2021 (qui va conduire à une évolution de la carte de l’éducation prioritaire)… après les municipales.
LES Principales propositions du rapport Mathiot-Azéma :
- Recentrage de l’éducation prioritaire au niveau national autour des REP +. Maintien de la carte actuelle des REP+, des budgets, des moyens et des primes jusqu’en 2022. La révision de la carte des REP+ interviendrait au regard de la révision des Quartiers Politique de la Ville.
- Fin du pilotage national des REP et du fonctionnement actuel sur l’allocation des budgets, moyens, primes… au profit d’une approche territorialisée académique. Au regard du cadrage national et des éléments de contexte territoriaux objectifs, le Recteur d’académie aurait la possibilité de réaffecter différemment les moyens aujourd’hui alloués aux REP, vers de nouvelles zones, nouveaux publics…
- Extension du dédoublement CP-CE1 dans les écoles relevant de la politique de la ville et présentant des difficultés sociales
- Mise en place d’un dispositif national pour les écoles des petites villes et bourgs en difficulté sociale et scolaire
- Renforcement de l’échelle académique pour les autres politiques de priorisation territoriale. Elargissement de la notion de “territoires en difficulté” : quartier politique de la ville, espace rural, espace en transition avec des enjeux de mixité dans un collège…
- Possibilité pour les établissements d’enseignement privé de moyens en cas d’actions visant la mixité
- Accompagnement des lycées accueillant les élèves de l’éducation prioritaire renforcée
- Renforcement des synergies avec la politique de la ville et d’aménagement du territoire
- Nouvelles modalités d’attribution des primes aux enseignants concernés, renforcement de la formation continue, mise en place d’un dispositif concernant les écoles et établissements non-attractifs : des propositions se situant dans la logique des réformes Blanquer pour les enseignants (individualisation, augmentation du temps de travail…)
La FCPE paris en alerte
Comme en 2015 lors de la mise en place de la nouvelle carte des REP et REP+, la FCPE Paris sera particulièrement attentive à toute évolution de la politique d’éducation prioritaire. Pour rappel, il existe à Paris, en 2019, 4 REP+ et 26 REP ainsi que 4 collèges et 26 écoles en convention CAPPE (Convention académique pluriannuelle de priorité éducative).
En tant qu’académie la plus ségrégée, le maintien des réseaux REP et REP+ est un élément fondamental de l’organisation de la mixité sociale et scolaire à Paris. A la rentrée 2017, 31% des enfants étaient scolarisés dans le 1er degré dans une école maternelle ou élémentaire publique relevant d’un REP, REP+ ou CAPPE et 25% des collégiens.
- En 1er lieu, la FCPE Paris déplore un énième rapport sans réelle évaluation des résultats des REP et REP+, en particulier au niveau local et le détricotage « silencieux » de la politique d’éducation prioritaire. Le manque de réelle objectivation des résultats des REP et REP+ 2014 à Paris constitue une limite à toute analyse. L’absence de pilotage de l’éducation prioritaire aussi bien au niveau national que parisien montre l’intérêt actuel du ministère pour les actions déjà menées.
- La FCPE Paris regrette qu’une fois de plus les enjeux apparaissent en 1er lieu sous l’angle de la rationalisation financière. La faiblesse des moyens supplémentaires donnés aux cités éducatives, la diminution des fonds sociaux, les conditions du dédoublement CP-CE1 à 12 (pas assez de postes créés, jeu de vase communiquant au détriment des autres niveaux et de la maternelle, des situations fréquentes de classes dédoublées à 14-15), la fragilisation des collèges et lycées, l’absence de mesures pour changer radicalement la situation dans le département 93 et dans les DOM ne semblent pas indiquer une véritable volonté de changer la donne en matière de réussite éducative. Une nouvelle façon déshabiller Pierre en habiller Paul (territoires ruraux) ?
- La FCPE Paris s’étonne que le rapport Azéma Mathiot mentionne à peine la place des parents et des élèves ! Une fois de plus il est mentionné leur implication sans leur donner un réel rôle à l’exception de la participation à la rédaction d’un vadémécum national !
La politique d’éducation prioritaire ne se résume pas à une cartographie de territoires mais elle porte sur le renforcement des moyens humains et financiers et sur des logiques de coopération, notamment avec les parents. Toute modification peut avoir des conséquences importantes pour les écoles/établissements et les enfants par rapport aux conditions d’enseignement et aux moyens mis à disposition.
Nos exigences
En conséquence, la FCPE Paris sera particulièrement aux points suivants :
- Objectivation de la situation parisienne en matière de réussite éducative, de mixité scolaire et mixité sociale.
- Association effective des parents à tous les niveaux (dans les écoles et établissements, au niveau académique…)
- Approche fondée sur les besoins avec les moyens réellement nécessaires devant être mis en place pour répondre aux enjeux de réussite éducative (humains, financiers), en particulier sur les questions des moyens humains pour scolariser les enfants porteurs de handicap et sur les RASED.
- Renforcement des logiques de territorialisation qui ne doit pas être synonyme de concurrence entre les écoles/ établissements et d’opposition entre ceux qui sont dedans et les autres.
- Risque d’émiettement des dispositifs rendant illisible l’action menée : cité éducative, rep+/rep, soutien régional, dispositif politique de la ville…
- Possibilités de renforcement de la ségrégation et de concurrence en raison de la multiplication des approches expérimentales
La FCPE réclame également la fin du système actuel d’affectation du lycée, qui conduit à une structuration des établissements par niveau, et l’introduction des critères de mixité sociale et scolaire dans le choix d’affectation du lycée (voir la motion votée lors du congrès 2019).
Carton rouge contre des moyens supplémentaires en faveur de l’enseignement privé sous contrat
Concernant l’enseignement privé sous contrat, la FCPE Paris rappelle sa position, réaffirmée au congrès de 2019.
Pourquoi, faut-il une fois de plus ponctionner les financements de l’école publique alors même que les établissements privés reçoivent déjà un financement public ? Aujourd’hui, il ne pèse sur ces établissements aucune obligation en matière de sectorisation ou de mixité sociale. Ils se positionnent en concurrents de l’école publique dans un contexte de baisse des effectifs scolarisés à Paris.
La FCPE Paris réclame que les établissements de l’enseignement privé sous contrat soient soumis à des exigences en matière de mixité sociale et scolaire dans le cadre actuel des financements publics déjà versés.
Le chantier « Education prioritaire » ne fait que s’ouvrir et s’accélèrera après les municipales. La FCPE Paris sera présente et vigilante en matière d’égalité des chances, de respect de l’équité, de mise en place des conditions de mixité sociale et scolaire et d’excellence pour tous les enfants parisiens.