Que doit-on apprendre à l’école ?
Le think tank Terra Nova vient de publier fin mai 2016 un nouveau rapport sur la question des savoirs scolaires. A l’heure où les enquêtes internationales démontrent que le niveau moyen des performances scolaires des élèves français est médiocre et n’évolue pas favorablement, alors que tout le monde constate que les inégalités sociales de réussite scolaire sont importantes et ne se réduisent pas, il est effectivement urgent de réfléchir collectivement au « choix » et au « sens » des savoirs scolaires.
Le rapport ne cherche pas à proposer une nouvelle réforme, mais plutôt à accompagner la réflexion sur celles en cours. Il cherche à comprendre pourquoi « l’école, institution consacrée au savoir et à la transmission des connaissances, parvient si mal à traiter de la question des contenus de ce qu’elle enseigne, surtout dans un contexte de révolution technologique, d’intensification et d’élargissement des échanges, et de nouvelles opportunités économiques où la maîtrise des savoirs est perçue comme une nécessité ».
Terra Nova revient sur le fait que « les savoirs scolaires ont une histoire » rappelant que « leur installation dans les horaires des élèves sont le fruit d’une succession de rapports de force et de compromis ». L’évolution actuelle vers la notion de « curriculum » vise à prendre en compte non seulement les connaissances transmises par l’enseignant mais l’appropriation de celles-ci par les élèves, ce qu’on appelle les compétences. Il ne s’agit plus seulement de demander aux enseignants de se conformer à une liste de prescriptions, mais de viser l’assimilation de compétences par les élèves qui leur sont confiés.
L’idée défendue est que pour dépasser les blocages observés dans les débats sur ce que l’école enseigne – comme ce fut le cas sur la réforme du collège – il faut défendre une appropriation beaucoup plus profonde de cette question par tous les acteurs de l’éducation, et en premier lieu par les enseignants. Il identifie un système éducatif français encore extrêmement centralisé qui aurait un « effet déresponsabilisant sur les acteurs ». La France fait en effet coexister à la fois un texte élaboré au niveau national d’inspiration curriculaire (le socle commun) et des programmes d’enseignement uniformes et extrêmement détaillés, élaborés, eux aussi, au niveau national, ce qui nous distingue de pays comme l’Angleterre, l’Espagne, la Finlande, l’Italie ou encore la Suède.
Pour Terra Nova, « les programmes nationaux ne sont qu’un instrument, qui doit faire l’objet d’une appropriation par les équipes pédagogiques, chacune en fonction de la situation qu’elles rencontrent localement. Cela ne veut pas dire d’adapter à la baisse les ambitions scolaires mais de travailler en gardant en vue les finalités de l’école. Les initiatives pédagogiques allant dans ce sens sont déjà nombreuses, elles trouveront dans les nouveaux textes un soutien à leur pratique ».
Les propositions de ce rapport visent à construire des priorités et des corrélations nouvelles, qui manquent la plupart du temps aux politiques éducatives. Il s’agit notamment de faire de l’apprentissage des méthodes pour apprendre un objet d’enseignement explicite ; d’offrir aux élèves le choix de certains enseignements et la chance d’améliorer la maîtrise des langues ; de permettre de mieux comprendre et connaître l’histoire des disciplines ; d’ouvrir les enseignements sur la vie quotidienne ; de faire évoluer les modes d’évaluation ; de renforcer l’autonomie du Conseil supérieur des programmes ou encore de repenser l’identité professionnelle, la formation et le travail collectif des enseignants en matière de contenus.
Le rapport propose des voies pour dépasser les oppositions binaires opposant les compétences aux savoirs, les disciplines aux transversalités ou les notes à des validations. Le parti pris est simple : « le rôle actuel de l’éducation est si complexe qu’il exige souvent d’inventer des cohabitations et d’imaginer des articulations entre contraires apparents ».