Territoires et inégalités scolaires en Ile de France
Le rapport du Cnesco paru en octobre 2018 apporte des éclairages intéressants sur la question des inégalités sociales d’origine territoriales. Deux axes sont plus particulièrement explorés : la répartition des ressources humaines dans les collèges d’Ile-de-France et les résultats obtenus au DNB (Diplôme National des Brevets) par les collégiens.
Un sujet peu exploré
Partant du constat que « les inégalités scolaires d’origine territoriale restent peu explorées », le sujet étant, selon la Présidente du Cnesco, Nathalie Mons, plus ou moins tabou dans notre société « confrontée au mythe d’une République une et indivisible, incarnée par une Éducation dite nationale », le Cnesco, entouré d’une équipe de chercheurs-géographes, a décidé de porter son analyse au niveau de la plus petite unité géographique infra-communale établie par l’Insee, appelée IRIS. En effet, comme l’explique Nathalie Mons dans son introduction au rapport « quand on analyse statistiquement un phénomène à travers une moyenne qui s’appuie sur des réalités très contrastées, la signification de ce chiffre moyen présente souvent un sens limité car il sous-estime largement l’ampleur des difficultés analysées. » Et de rajouter : « Par exemple, si dans une classe, la moitié des élèves a une note moyenne de 5/20 et l’autre de 17/20, la moyenne de la classe qui s’établit à 11 peut nous rassurer –le niveau de la classe est passable–, le danger est qu’elle n’attire pas notre attention sur l’ampleur réelle des inégalités de niveau scolaire au sein de la classe et les actions urgentes qui doivent s’y développer.”
Les territoires des 3 académies d’Ile de France ont ainsi été découpés en cinq types de quartiers : les territoires parisiens et de banlieue très favorisés, les banlieues résidentielles favorisées, les territoires défavorisés, les territoires regroupant le plus de difficultés socio-économiques et les territoires peu densément peuplés de la grande couronne. Sans vraiment de surprise, il apparait une forte corrélation entre la composition sociale d’un territoire et celle des collèges qui y sont implantés, à l’exception de quelques zones en cours de gentrification de Paris (ex : nord-est).
Deux axes de recherche ont ainsi pu être analysés par le Cnesco
Des enseignants jeunes et non titulaires principalement dans les zones les plus défavorisées
Le premier concerne les ressources humaines de l’Education Nationale. L’étude montre, qu’en dehors du nombre d’élèves par classe qui est moins important dans les territoires défavorisés, conséquence directe de la politique d’éducation prioritaire, ces quartiers concentrent la part la plus importante d’enseignants jeunes et contractuels. De plus, ces établissements doivent faire face à un turn-over beaucoup plus important des équipes. Citant la recherche de 2013 de Ronfeldt, Loeb et Wyckoff, l’étude rappelle le lien existant entre turn-over élevé des équipes pédagogiques et résultats scolaires : « Pour expliquer ce résultat, les auteurs avancent la piste des conséquences perturbatrices du turn-over pour les enseignants qui restent en poste dans l’établissement. Ceux-ci doivent en effet prendre en charge l’accueil, l’information et l’encadrement des enseignants nouvellement arrivés, supporter des tâches pédagogiques plus lourdes, réduisant ainsi leurs propres opportunités de développement professionnel. »
Des résultats au DNB tres contrastés
Le second concerne les résultats aux épreuves du DNB qui doivent être mises en perspective avec ce qui se prépare dans le cadre de la réforme du bac. Rappelant tout d’abord que les scores de réussite sont quasiment équivalents dans les trois territoires les plus favorisés (entre 89 et 90 %) et assez proches de la moyenne nationale (87,3 %) dans les deux territoires cumulant le plus de difficultés (84,4 % pour l’un et 82,8% pour l’autre), le Cnesco dresse un tout autre constat lorsque seuls les résultats obtenus aux épreuves écrites terminales du DNB sont analysées : épreuve de français, de mathématiques, d’histoire-géographie et de sciences qui, à elles quatre, comptent pour 300 points. Sont donc retirés de l’analyse les résultats obtenus aux épreuves du contrôle continu (400 points) et de l’épreuve orale (100 points).
Dans cette optique, l’analyse du Cnesco révèle des disparités de réussite importantes pouvant varier du simple au double selon le type de territoires (57,5 % de réussite dans les territoires parisiens et banlieue très favorisée et 24,3 % dans les territoires cumulant le plus de difficultés socio-économiques, contre 42,8% en moyenne). Autrement dit, si les notes obtenues au contrôle continu et données par les enseignants de l’établissement permettent de rapprocher les taux de réussite de la moyenne nationale (les élèves sont notés par rapport à leur contexte d’établissement et leurs pairs), le niveau évalué à travers des épreuves nationales, est bien plus préoccupant.
Un sujet de réflexion pour la réforme du bac
Dans le futur bac qui sera mis en œuvre en 2021, le contrôle continu va représenter 40 % de la note finale. Même si des mesures sont envisagées pour éviter des écarts trop importants entre les établissements scolaires – banque nationale de sujets, copies anonymes et corrigées par d’autres enseignants que ceux de l’élève, harmonisation des barèmes de notation – le risque est grand que s’accentue encore la mise en concurrence des établissements, le bac obtenu par un élève issu d’un établissement favorisé de centre-ville risquant d’être bien mieux « monnayable sur le marché de l’enseignement supérieur » que celui obtenu par un élève scolarisé dans un établissement localisé sur un territoire cumulant les difficultés.
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(Photo : CNESCO)